Dénommé "SU" pour couvrir son identité, le témoin est une rescapée tutsie, originaire D'une des communes de Butare. Elle avait cherché refuge au bureau
préfectoral, espérant s’y trouver protégée. Blessée, Mme SU a déclaré avoir atteint le bureau préfectoral le 28 mai 1994, et y avoir trouvé D'autres Tutsis qui avaient fui les tueries dans leurs villages.
Le témoin a déclaré qu’elle comme les autres Tutsis n’ont pas eu accès au bureau préfectoral, « pas même à la véranda ».
"Il y avait de l'eau à la préfecture et des toilettes, mais nous en étions privés" a indiqué Mme SU, répondant aux questions de l'avocat camerounais de Sylvain Nsabimana, Me Charles Tchakounté Patié, le second avocat de la défense à la contre-interroger.
" Sylvain Nsabimana aurait dû faire appel à des bonnes volontés qui auraient dû offrir ne fut-ce que des tentes pour nous abriter" a dit le témoin qui s'exprimait dans sa langue maternelle, le kinyarwanda.
Mme SU, en revanche, n'a pas confirmé que Nsabimana leur aurait formellement interdit l’accès aux bâtiments de la préfecture. Elle a toutefois déclaré que l'ex-préfet ne pouvait ignorer les besoins de ces "réfugiés".
Pour le témoin, l'ex-préfet n'est pas venu en aide aux gens en détresse. Mme SU a affirmé que même les vivres distribuées par la Croix-Rouge rwandaise leur ont été confisqués par les Interahamwe (miliciens de l'ex-parti présidentiel MRND). l'ex-préfet Nsabimana n'a rien fait ni pour punir ces Interahamwe, ni pour tenter de remplacer les provisions prises de force, selon le témoin.
Des gens ont été tués et jetés dans une fosse derrière le bureau préfectoral, des tueurs brandissaient des armes à la préfecture, ce qui en temps normal constitue une infraction, mais n'étaient pas punis, selon Mme SU. Le témoin a bien insisté sur le fait que la non-intervention de Nsabimana prouve qu'il cautionnait ces exactions. "Le préfet n'a rien fait pour respecter ou défendre les droits de la personne humaine" a dit Mme SU.
Comme lors du contre-interrogatoire mené précédemment par Nicole Bergevin, l'avocate canadienne de Pauline Nyiramasuhuko, les réponses de Mme SU comprenaient parfois des commentaires à l'endroit de la défense.
"M. le président, je demande à la chambre D'appeler le témoin à la courtoisie. Nous, de la défense , sommes respectueux envers elle, il faudrait qu'elle le soit envers nous" a même demandé Me Tchakounté.
Le juge président a rappelé une nouvelle fois au témoin " d’écouter attentivement les questions qui lui sont posées, d’y répondre de façon concise et précise et d’éviter tout commentaire et observation à l'endroit des avocats de la défense qui font leur travail."
Le témoin devrait poursuivre sa déposition mercredi matin avec le contre-interrogatoire de l'avocat canadien de Joseph Kanyabashi, Me Michel Marchand, le troisième a contre-interroger Mme SU.
Le procès de Butare se déroule devant la deuxième chambre de première instance, présidée par le juge tanzanien William Hussein Sekule, et composée en outre des juges malgache Arlette Ramaroson et Winston Churchill Matanzima Maqutu du Lésotho.
BN/GF/FH(BT-1022A)