l'avocat martiniquais de Bagosora, Me Raphaël Constant, a réfuté cette thèse du procureur mercredi, le dernier jour de son contre-interrogatoire de
l'Américaine Alison Des Forges, citée depuis plus de deux semaines comme expert dans le procès des militaires en cours devant le tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR).
Le parquet allègue qu'au lendemain de l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, Bagosora est devenu "l'homme le plus
puissant du pays", qui a "de facto" pris le contrôle des affaires politiques et militaires du Rwanda. "Il s'est imposé comme l'homme de la situation à même de
gérer la crise", ajoute la poursuite.
l'accusation évoque par ailleurs une réunion tenue dans la nuit du 6 au 7 avril à l'état major de l'armée, à laquelle ont participé 16 hauts officiers des ex-FAR, sous la présidence de Bagosora. Le but de cette réunion était D'élaborer "un plan D'action" pour combler le vide politique survenu avec la mort du président.
En vue de contrer la preuve du procureur, Me Constant a exhibé l'extrait D'un témoignage du général Augustin Ndindiliyimana, alors chef D'état major de la
gendarmerie au moment des faits, déposé le 21 avril 1997 à la commission du sénat belge. Selon ce document, Ndindiliyimana affirme qu'il a reconnu la
voix de Bagosora "dans une radio de type Motorola", alors qu'il était dans la salle des opérations, et lui a demandé de rejoindre les autres à la réunion de
crise. "Mon client n'est pas à l'origine de cette réunion, ce n'est pas lui qui l'a convoquée", a plaidé Me Constant.
La défense a en outre soutenu que son client était déjà en retraite à ce moment là, laissant entendre qu'il n'était plus actif sur le plan militaire. A ce sujet, Mme Des Forges a souligné que l'accusé était quand même parvenu à se hisser au-dessus de tout le monde en présidant ce comité de crise, alors qu'il n'était pas le plus gradé parmi les officiers présents.
Me Constant a maintenu que son client a présidé la réunion en tant que directeur de cabinet ayant qualité de ministre et non en tant que colonel de l'armée, et
qu'il n'avait bénéficié D'aucune promotion particulière.
Habyarimana au courant D'un plan D'extermination
Mme Des Forges a par ailleurs affirmé que le président Habyarimana était au courant D'un plan D'extermination des Tutsis, qualifié de "plan D'auto-défense", mis sur pied longtemps avant sa mort.De l'avis de l'expert, "la préparation de ce plan de violence n'était pas complet le 6 avril 1994", date de déclenchement du génocide qui a suivi l'attentat contre l'avion présidentiel. Contrairement à l'idée répandue, Mme Des Forges a expliqué que l'attentat n'a pas été la cause directe du génocide, mais en a été "un élément catalyseur", puisque le plan des massacres existait déjà. Elle a cependant indiqué ne pas savoir si le président avait l'intention de le mettre à exécution.
Bagosora est coaccusé avec trois autres hauts gradés des ex-FAR: le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, le général de brigade Gratien Kabiligi et
le major Aloys Ntabakuze. Ils sont notamment accusés D'entente en vue de commettre le génocide et de crimes de guerre. Ils plaident non coupables.
Le procès des militaires se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge George Lloyd Williams de Saint
Kitts et Nevis, et composée en outre des juges, slovène, Pavel Dolenc, et sénégalaise, Andrésie Vaz.
Mme Constant a enfin terminé son contre interrogatoire, jugé "très long" par la chambre puisqu'il l'avait entamé il y a près D'une semaine. Jeudi, c’est au tour de la défense du général Kabiligi de commencer à poser des questions à Mme Des Forges.
GA/GF/FH (ML-0925A)