"Je me demande si c'est le moment de libérer Rusatira", a poursuivi le ministre, indiquant que "soit il y a eu pression, soit il y a eu une autre raison".
Le responsable rwandais a conclu que "quoiqu'il en soit, cela démontre le mauvais fonctionnement du Tribunal. Soit le procureur ne maîtrise pas son dossier, soit il y a eu pression".
Ancien membre des ex-Forces armées rwandaises (FAR) intégré dans l'armée victorieuse après le génocide de 1994, le général Rusatira avait été arrêté en Belgique au mois de mai 2002 pour des crimes dont plusieurs défenseurs des droits de l'homme convenaient plutôt qu'il s'était employé, au risque de sa vie, à combattre.
Suite au "moratoire" observé dans "la crise des témoins" début août, les relations entre le TPIR et Kigali semblaient s’être améliorées. Ces remarques de M. Mucyo viennent au contraire rappeler que les profonds désaccords qui opposent depuis huit mois Kigali et le TPIR sont toujours vivaces.
Tout a commencé en janvier dernier quand des associations de rescapés du génocide ont déclaré qu'elles n'autoriseraient plus leurs membres à venir témoigner dans des procès en cours à Arusha. Elles se plaignaient notamment de "harcèlement" lors des contre-interrogatoires et du recrutement, par la défense, de suspects de génocide dans les équipes d’enquêteurs rwandais. Le débat s’est fait plus polémique quand le gouvernement rwandais a pris fait et cause pour ces associations et a introduit, dans la foulée, des mesures qui, selon le TPIR, font obstacle à la libre circulation des témoins en provenance de Kigali et ralentissaient les procès en cours.
Devant le refus du gouvernement rwandais D'obtempérer aux ordonnances du TPIR visant à faciliter les déplacements des témoins, le procureur du TPIR, Carla Del Ponte, et la présidente de cette juridiction, la juge Pillay, ont saisi séparément le Conseil de sécurité de l'ONU. Un débat formel à ce sujet n'a toujours pas été engagé.
Le gouvernement rwandais a néanmoins réagi avec vigueur à cette accusation, déclarant que "le Tribunal fait face à une crise, imputable à une mauvaise gestion, à l'incompétence et à la corruption et pour laquelle il ne peut s'en prendre qu'à lui-même".
Selon des analystes, le véritable point de friction entre les deux parties porterait sur les éventuelles poursuites de l'Armée Patriotique Rwandaise (APR, l’armée actuelle du Rwanda) pour crimes de guerre. Fin 2001, le procureur du TPIR, Carla Del Ponte, a annoncé qu’elle serait en mesure de lancer les premières accusations contre l’APR.
Le Rwanda affirme qu’en la matière le procureur a subi des "pressions" de la part de certains Etats et veut de ce fait "calmer les tenants D'une prétendue ‘justice ethniquement équilibrée’ et du révisionnisme".
La présidente du TPIR, dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité le 8 août, a défendu son institution. "Il n'y a aucun problème de mauvaise gestion au Tribunal international pour le Rwanda. Si le Tribunal a connu des problèmes de gestion dans ses débuts en 1996, ils ont été progressivement résolus à travers des réformes. Le Tribunal est actuellement une institution gérée de manière effiçace", écrit la juge Navanethem Pillay. Ces progrès ont été reconnus par les organes compétents de l'ONU et par le gouvernement rwandais lui-même, selon la juge sud-africaine.
Même si l'arrestation cette semaine en Angola du chef D'Etat-major des FAR, le général Augustin Bizimungu, a "réjoui" Kigali, le ministre des affaires étrangères, André Bumaya y a mis un bémol en déclarant: "Pour le gouvernement rwandais, il serait préférable que Bizimungu soit extradé vers le Rwanda plutôt que vers le TPIR". "S'il était jugé au Rwanda, cela aurait beaucoup plus D'impact, cela aurait une vertu pédagogique et nous permettrait D'affirmer notre politique de réconciliation et D'unité nationale".
Malgré les motifs de satisfaction émanant des deux parties, force est de constater que ce sont encore les points de friction qui l’emportent.
AT/CE/DO/FH(RS-0816A)