l'avocat principal de Ntagerura, le Canadien Me Henry Benoît, a relevé une à une les déclarations accusatoires faites antérieurement par des témoins du parquet et a demandé à son client D'éclairer la chambre à ce sujet.
Selon un témoin à charge dénommé "LAJ", Ntagerura aurait déclaré, que "l'ennemi est le Tutsi qui a commencé à tuer le Hutu en se camoufflant dans la population; la situation est de plus en plus grave, vous devez être vigilant…si vous n'êtes pas vigilant, personne ne survivra".
l'accusé aurait fait cette déclaration le 28 janvier 1994 lors D'un meeting à l'intention des Interahamwe (milice de l'ex-parti au pouvoir le MRND), sur un terrain de football à Bugarama (province Cyangugu, sud-ouest du Rwanda). Il aurait été en compagnie du général de brigade, Gratien Kabiligi, également détenu au TPIR, et tous les deux seraient arrivés sur les lieux à bord D'un hélicoptère.
"Je n'ai pas tenu pareils propos et je n'étais pas à Bugarama le 28 janvier 1994", a protesté Ntagerura. "Ce jour-là, J'étais à Kigali, c'était un jour férié, chômé", a-t-il ajouté. l'accusé-témoin a en outre relevé la contradiction entre les dépositions de deux autres témoins à charge, "LAP" et "LAI" qui, selon lui, à la même date, "nous plaçaient ensemble au camp de Bigogwe et à Bugarama".
Ntagerura a indiqué que les seules fois qu'il s'est rendu à Cyangugu en hélicoptère, c'était en novembre 1993 en compagnie du premier ministre D'alors, Agathe Uwilingiyimana, "pour tenter de régler les différends entre les membres des différents partis politiques", puis en mars 1994, à l'occasion de l'inauguration D'un four de la cimenterie de Bugarama. Les propos de Ntagerura recoupent ceux tenus par certains témoins à décharge qui ont déposé au mois de mars.
Un autre témoin du parquet a rapporté que Ntagerura se serait rendu au lieu dit Kimpundu le 18 avril 1994 et y aurait donné l'ordre de tuer les Tutsis. l'accusé a indiqué qu'à cette date précise, il était à Gitarama (centre du Rwanda) où s'était réfugié le gouvernement intérimaire à partir du 11 avril. "Je préparais ma mission à l'étranger ", a-t-il dit.
S'agissant des allégations selon lesquelles l'accusé haïssait les Tutsis et les opposants, Ntagerura a donné plusieurs exemples de fonctionnaires membres des partis D'opposition, qui étaient restés à leurs postes D'attache jusqu'à la victoire du Front patriotique rwandais en juillet 1994.
Enfin, concernant les accusations selon lesquelles Ntagerura aurait appelé au téléphone un certain Yussuf Munyakazi, leader présumé des Interahamwe recherché par le TPIR, l'enjoignant de commencer les tueries contre lesTutsis, l'accusé a déclaré qu'à cette date,"moi et ma famille, nous étions en débandade. Nous étions réfugiés au camp militaire de la garde présidentielle à Kimihurura ", a-t-il dit, corroborant ce qu'avait dit son
épouse,
Léoncie Bongwa, lors de son témoignage au mois de mai. Ntagerura, que Me Henry a qualifié de "témoin très important" pour sa défense, est co-accusé avec l'ancien préfet de Cyangugu Emmanuel Bagambiki, ainsi que l'ex-commandant de la garnison militaire de Karambo à Cyangugu, le lieutenant Samuel Imanishimwe. Ils sont poursuivis pour génocide et crimes contre l'humanité commis en province de Cyangugu entre avril et juin 1994. Ils plaident non coupables.
Ce procès du "groupe Cyangugu" se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par le juge de Saint-Kitts et Nevis, George Lloyd Williams, et comprenant en outre les juges, russe Yakov Ostrovsky et slovène Pavel Dolenc. Ntagerura poursuit sa déposition lundi
prochain.
GA/AT/DO/FH (CY-0718A)