L'association des mères de Srebrenica a dénoncé jeudi l'arrestation en Suisse d'un ancien commandant des troupes musulmanes de cette ville de Bosnie orientale durant le conflit de 1992-95, sur la base d'un mandat d'arrêt émis par Belgrade qui l'accuse de crimes de guerre.
"Ce qui se passe, un mois avant le 20e anniversaire du génocide de Srebrenica, est une honte. Il s'agit d'une arrestation purement politique", a déclaré à l'AFP la présidente de cette association, Munira Subasic, dont l'époux, le fils et une vingtaine de membres de sa famille ont été tués à Srebrenica.
"En réclamant son arrestation maintenant, dans une période où nous, les mères, sommes les plus fragiles, Belgrade veut détourner l'attention de l'anniversaire du génocide", a-t-elle ajouté.
L'association des mères de Srebrenica regroupe les femmes dont les fils et époux ont été tués en juillet 1995 dans le massacre commis par les forces serbes de Bosnie, qui a été qualifié de génocide par la justice internationale.
Près de 8.000 hommes et adolescents musulmans ont alors été tués, quelques mois avant la fin de la guerre intercommunautaire de Bosnie qui a fait au total environ 100.000 morts.
Naser Oric, 48 ans, a été arrêté mercredi par les gardes-frontières suisses dans le canton de Genève (sud-ouest) alors qu'il se rendait, en compagnie du maire de Srebrenica, Camil Durakovic, à Genève pour participer à plusieurs événements organisés par la diaspora bosnienne pour le 20e anniversaire du massacre.
Selon M. Durakovic, qui a également été brièvement interpellé, la police suisse a expliqué que Naser Oric devait être maintenu en détention pour être interrogé sur de "présumés crimes de guerre".
Figure controversée, Naser Oric est un des rares musulmans de Bosnie à avoir été jugé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), avant d'être acquitté en appel, en juillet 2008.
En juin 2006, en première instance, le TPIY l'avait condamné à deux ans de prison pour des exactions commises en 1992 et 1993 par des hommes qui étaient sous ses ordres contre des Serbes dans la région de Srebrenica.
Interrogé par la presse à Sarajevo en marge d'une conférence sur le génocide de Srebrenica, le procureur du TPIY Serge Brammertz a expliqué que, selon les principes du tribunal de l'ONU, "personne ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits". "S'il s'agit des mêmes (faits que ceux qui avaient présentés devant le TPIY, ndlr), évidemment que les autorités (suisses) ne pourront pas poursuivre" la procédure, à savoir décider d'extrader Naser Oric vers la Serbie, a-t-il déclaré.
Des associations d'anciens militaires musulmans de Bosnie ont annoncé pour vendredi des manifestations dans plusieurs villes bosniennes pour protester contre l'arrestation d'Oric.