L'ancien commandant musulman bosniaque de la région de Srebrenica, interpellé mercredi à Genève, a été placé en détention en vue de son extradition, a indiqué jeudi l'Office fédéral suisse de la justice (OFJ) à Berne.
Naser Oric est recherché par les autorités serbes pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Son arrestation en Suisse est basée sur un mandat d'arrêt des autorités serbes du 3 février 2014, a-t-on précisé.
Elle a provoqué de vives réactions en Bosnie-Herzégovine.
La Serbie soupçonne Naser Oric d'avoir mené entre 1992 et 1995, avec d'autres membres des forces armées bosniaques musulmanes, "plusieurs attaques contre des villages serbes de la région de Srebrenica, afin de les vider de leur population serbe par l'intimidation, la torture et le meurtre", a ajouté l'OFJ dans un communiqué.
Le mandat d'arrêt mentionne en particulier une attaque du 12 juillet 1992 contre le village de Zalazje, au cours de laquelle neuf personnes ont été assassinées.
Le ministère public du canton de Genève a interrogé jeudi Naser Oric, sur ordre de l'OFJ, à propos des faits que lui sont reprochés dans le mandat d'arrêt serbe.
Il s'est opposé à son extradition. En conséquence, l'OFJ va demander à la Serbie une requête formelle en ce sens dans le délai de 18 jours prévu par la Convention européenne d'extradition.
- Acquitté en appel par le TPIY -
Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) avait condamné Naser Oric à deux ans de prison en 2006 - pour ne pas avoir pas tenté, comme sa fonction le lui commandait, de prévenir des mauvais traitements et des meurtres commis contre la population serbe -, mais il l'avait acquitté en appel en 2008.
L'OFJ suisse va aussi devoir examiner maintenant si les faits décrits dans le mandat d'arrêt serbe sont différents ou non de ceux sur lesquels le jugement du TPIY s'est fondé.
Interrogé par la presse à Sarajevo en marge d'une conférence sur le génocide de Srebrenica, le procureur du TPIY Serge Brammertz a expliqué que, selon les principes du tribunal de l'ONU, "personne ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits". "S'il s'agit des mêmes (faits que ceux qui avaient présentés devant le TPIY, ndlr), évidemment que les autorités (suisses) ne pourront pas poursuivre" la procédure.
Selon le journal La Tribune de Genève, Naser Oric accompagnait une délégation invitée par la ville de Genève au moment de son interpellation, pour commémorer vendredi les 20 ans du génocide de Srebrenica. Il se trouvait en compagnie du maire de Srebrenica et du vice-président de l'assemblée municipale de la ville.
L'arrestation de M. Oric a été vivement dénoncée par l'association des mères de Srebrenica.
"Ce qui se passe, un mois avant le 20e anniversaire du génocide de Srebrenica, est une honte. Il s'agit d'une arrestation purement politique", a déclaré à l'AFP la présidente de cette association, Munira Subasic, dont l'époux, le fils et une vingtaine de membres de sa famille ont été tués à Srebrenica. "Belgrade veut détourner l'attention de l'anniversaire du génocide", a-t-elle ajouté.
L'association des mères de Srebrenica regroupe les femmes dont les fils et époux ont été tués en juillet 1995 dans le massacre commis par les forces serbes de Bosnie, qui a été qualifié de génocide par la justice internationale.
Près de 8.000 hommes et adolescents musulmans ont alors été tués, quelques mois avant la fin de la guerre intercommunautaire de Bosnie, qui a fait au total environ 100.000 morts.
Des associations d'anciens militaires musulmans de Bosnie ont annoncé pour vendredi des manifestations dans plusieurs villes bosniennes pour protester contre l'arrestation de Naser Oric.