Plusieurs centaines d'anciens combattants musulmans de Bosnie ont manifesté vendredi contre l'arrestation en Suisse de Naser Oric, ex-commandant des troupes musulmanes de Srebrenica pendant la guerre intercommunautairaire de 1992-95, recherché par la Serbie pour crimes de guerre.
Les manifestants, qui se sont rassemblés notamment à Sarajevo, mais également à Tuzla (nord-est) et à Mostar (sud), ont appelé à la remise en liberté d'un "héros".
"Nous ne sommes pas venus pour défendre Naser Oric, parce que nous savons qu'il est innocent. Nous sommes ici pour protester contre l'hypocrisie de la communauté internationale", a déclaré Zulfo Salihovic, un ancien combattant musulman de Srebrenica, en Bosnie orientale.
Quelques mois avant la fin de la guerre de Bosnie, Srebrenica a été le théâtre du massacre de près de 8.000 hommes et garçons musulmans par les forces serbes de Bosnie. Cette tuerie, la pire en Europe depuis la deuxième guerre mondiale, a été qualifiée de génocide par la justice internationale.
Naser Oric, 48 ans, a été placé jeudi - au lendemain de son interpellation -, en détention en vue de son extradition vers la Serbie. La justice suisse doit désormais présenter à la Serbie une requête officielle en ce sens dans le délai de 18 jours prévu par la Convention européenne d'extradition.
Le Premier ministre bosnien, Denis Zvizdic, a pour sa part déclaré à la presse que l'arrestation de Naser Oric était une "erreur", parce que, selon lui, le nom de l'ancien officier musulman avait été supprimé de la liste des personnes recherchées par Interpol.
Les autorités suisses ont indiqué jeudi que son arrestation avait reposé sur un mandat d'arrêt des autorités serbes du 3 février 2014.
Dénonçant un mandat d'arrêt "politique", M. Zvizdic, un Musulman qui dirige le gouvernement multiethnique (serbes, croates, musulmans) bosnien, a en outre averti qu'une éventuelle extradition de Naser Oric vers la Serbie "affecterait sérieusement" les relations entre la Serbie et la Bosnie, déjà très délicates depuis la guerre des années 1990, ainsi que le processus de réconciliation.
Le président serbe Tomislav Nikolic devrait se rendre mardi à Sarajevo pour sa première visite officielle dans la capitale bosnienne depuis son élection en 2012.
Naser Oric est soupçonné par la justice serbe d'avoir mené entre 1992 et 1995, avec d'autres membres des forces armées musulmanes, "plusieurs attaques contre des villages serbes de la région de Srebrenica, afin de les vider de leur population serbe par l'intimidation, la torture et le meurtre", selon les autorités suisses.
Personnalité controversée, il est un des rares musulmans de Bosnie à avoir été jugé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), avant d'être acquitté en appel, en juillet 2008. En juin 2006, en première instance, le TPIY l'avait condamné à deux ans de prison pour des exactions commises en 1992 et 1993 contre des Serbes dans la région de Srebrenica par des hommes qui étaient sous ses ordres.