Omar el-Béchir, interdit provisoirement dimanche de quitter l'Afrique du Sud, dirige depuis 25 ans le Soudan d'une main de fer et ne cesse de défier la justice internationale qui a lancé contre lui deux mandats d'arrêt pour crimes de guerre et génocide au Darfour.
Agé de 71 ans, le doyen des présidents soudanais depuis l'indépendance en 1956 a été réélu en avril avec plus de 94% des votes, lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.
Ce militaire de carrière sous influence islamiste, parvenu à la tête du Soudan en 1989 via un coup d'Etat, défie depuis 2009 la Cour pénale internationale (CPI). Celle-ci a lancé cette année-là un mandat d'arrêt pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, une région de l'ouest soudanais meurtrie par les violences, avant d'ajouter en 2010 l'accusation de génocide.
Depuis ces mandats d'arrêt, s'il a considérablement limité ses déplacements à l'étranger, privilégiant les pays n'ayant pas rejoint la CPI, M. Béchir s'est rendu dans au moins quatre pays signataires du traité de Rome, le traité fondateur de la Cour: la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Malawi et Djibouti. Il n'a jamais été inquiété.
Peu avant sa réélection, il a également effectué une visite en Arabie saoudite et en Egypte, non signataires du traité de Rome.
Dénonçant le manque de coopération de l'ONU, la procureure de la CPI a annoncé fin 2014 la suspension des enquêtes sur des accusations de crimes de guerre au Darfour, critiquant le Conseil de sécurité pour sa passivité alors que le conflit a fait, selon les Nations unies, plus de 300.000 morts et deux millions de déplacés.
- 'Béchir le militaire' -
Crâne dégarni, large moustache et silhouette enrobée, M. Béchir doit sa longévité aux liens étroits qu'il a su conserver avec l'armée.
Né le 1er janvier 1944 dans une famille rurale de Hosh Bannaga, village à une centaine de kilomètres au nord de Khartoum où il demeure très populaire, Omar Hassan Ahmed el-Béchir est fasciné dès son plus jeune âge par la carrière militaire.
Le 30 juin 1989, le général Béchir et un groupe d'officiers renversent le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi. Ce coup d'Etat est appuyé par le Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi, devenu aujourd'hui l'un de ses pires opposants.
Sous l'influence de Tourabi, il oriente le Soudan -pays morcelé en une pléthore de tribus et alors divisé entre le nord majoritairement musulman et le sud peuplé de chrétiens- vers un islam radical.
Khartoum devient la plaque tournante de l'internationale islamiste avec la présence de nombreux jihadistes ayant combattu en Afghanistan. Est ainsi accueilli le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, plus tard expulsé sous la pression des Etats-Unis et tué par un commando américain au Pakistan en 2011.
Les relations entre "Béchir le militaire" et "Tourabi l'islamiste" tournent à l'aigre à la fin des années 1990. Béchir tente alors de se démarquer de l'islamisme radical et d'améliorer ses relations avec ses adversaires et voisins.
Il signe l'accord de paix avec les rebelles du Sud en 2005, qui ouvre la voie à un partage du pouvoir et à un référendum sur l'indépendance de cette région, où sont concentrées les réserves pétrolières. Celle-ci deviendra en 2011 l'Etat du Soudan du Sud.
Malgré les accusations de la CPI, M. Béchir consolide son pouvoir, le Parlement lui octroyant de plus larges prérogatives.
Outre les conflits armés, il fait face à une économie au bord de la faillite, alors que les Etats-Unis imposent au Soudan un embargo économique depuis 1997 et que son pays a perdu les trois quarts de ses ressources pétrolières depuis la sécession du Sud.
M. Béchir, qui a deux femmes mais pas d'enfant, a promis le 2 juin, lors de sa prestation de serment, "d'ouvrir une nouvelle page" pour son pays, se disant notamment ouvert au dialogue avec l'Occident.
Il a parallèlement lancé une offensive diplomatique au printemps, notamment en rejoignant la coalition initiée par l'Arabie saoudite pour lutter au Yémen contre des rebelles chiites liés à l'Iran.
Mais dimanche, la CPI a demandé à l'Afrique du Sud de l'arrêter, alors qu'il participait au sommet de l'Union africaine, et un tribunal de Pretoria a enjoint les autorités à ne pas le laisser quitter le pays tant que la justice n'aura pas statué sur son sort.