05.04.2001 - TPIR/MEDIAS - UN TEMOIN S'EN PREND A UN CONSEIL DE LA DEFENSE

Arusha, le5 avril 2001 (FH)- Le quinzième témoin de l'accusation dans le procès des responsables des media de la haine s'en est pris à un conseil de la défense mercredi devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), allant jusqu'à le traiter de menteur. l'historien rwandais exerçant en France, José Kagabo, déposait au cours du contre-interrogatoire mené par Me Biju-Duval, avocat de l'ancien promoteur de la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM), Ferdinand Nahimana.

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"J'ai vu Me Biju-Duval mentir à la Cour en France.[..] Il a eu à me citer incorrectement dans un tribunal," a notamment déclaré le témoin.

M. Kagabo faisait allusion à une audience D'un procès pour diffamation que l'accusé avait intenté contre l'hebdomadaire "Le Nouvel Observateur" en 1998 à Paris, au cours de laquelle il aurait été cité par l'avocat. Le témoin exigeait une lecture in extenso de certains passages des ouvrages de Nahimana sur lesquels il était interrogé.

l'avocat français de l'accusé tentait de démontrer que dans ses ouvrages, dont celui intitulé " l'élite hutu accusée", Ferdinand Nahimana n'attaquait pas la communauté tutsie mais plutôt le Front patriotique rwandais (FPR, rébellion à majorité tutsie, aujourD'hui au pouvoir à Kigali).

Tant à l'interrogatoire principal la semaine dernière qu'au contre-interrogatoire mardi et mercredi, José Kagabo a maintenu que Nahimana était "théoricien de l'extrémisme", en se référant surtout aux ouvrages de l'accusé ou à ses déclarations publiques. Le témoin et l'avocat ont échangé des propos souvent peu courtois, lors du contre-interrogatoire, et la chambre devait par moments intervenir.

"M. Kagabo, les juges ne permettraient pas au conseil de la défense de vous traiter de menteur, on ne vous permettra pas non plus de traiter le conseil de menteur," a notamment fait remarquer la juge sud-africaine Navanathem Pillay qui présidait les débats. "Vous avez l'obligation de répondre même si vous n'aimez pas la façon dont il vous pose les questions," a-t-elle rappelé.

"Je reste sous serment, Me Biju-Duval, mais ne me posez pas des questions comme si vous les posiez à un idiot," avait retorqué le témoin à une question qui lui était posée mardi.

Dans une analyse plutôt textuelle des ouvrages de Nahimana, le témoin a indiqué avoir une lecture différente de l'avocat, expliquant que tous les écrits de l'accusé contenaient implicitement la pensée "intellectuellement extrémiste de Nahimana".

"Je ne répondrai pas aux fantasmes," a dit le témoin, réagissant à l'assertion de l'avocat selon laquelle aucune page de l'ouvrage "l'élite hutu accusée" ne faisait mention D'appel à la haine ethnique. "En répondant de la manière que vous souhaitez, Me Biju-Duval, je serais un historien de chien," a tonné le témoin à l'avocat. Historien, M. José Kagabo est maitre de conférence à l'Ecole des Hautes études en sciences sociales de Paris.

Le témoin a essentiellement déposé contre Ferdinand Nahimana, dans ce procès qui concerne également l'ancien conseiller politique au ministère des affaires étrangères et membre du comité D'initiative de la RTLM, Jean-Bosco Barayagwiza, et l'ancien directeur et rédacteur en chef de la revue Kangura, Hassan Ngeze.

Ancien professeur à l'université nationale du Rwanda, Ferdinand Nahimana a été directeur de l'Office rwandais D'information (ORINFOR), avant la création de la RTLM. l'ORINFOR gérait les médias officiels de l'Etat rwandais dont la radio nationale rwandaise, Radio Rwanda.

Le procès se poursuivait jeudi après-midi, avec la déposition D'un nouveau témoin de l'accusation. Désigné sous le pseudonyme "GO" pour protéger son anonymat, le seizième témoin du parquet est un ancien fonctionnaire du ministère de l'information qui était chargé de suivre au jour le jour les émissions de la RTLM. Il devrait remettre à la Cour certains enregistrements des émissions de cette radio qu'il a D'ores et déjà qualifiée D' "incitatrice à la haine ethnique".

BN/PHD/FH(Me_0405b)