Un tribunal de Pretoria se prononce lundi sur la demande adressée par la Cour pénale internationale (CPI) à l'Afrique du Sud d'arrêter le président soudanais Omar el-Béchir, qui assiste à un sommet de l'Union africaine.
Le tribunal a appelé dimanche les autorités sud-africaines à ne pas laisser M. Béchir partir tant qu'il n'aura pas statué sur la demande d'arrestation envoyée à Pretoria par la CPI.
"Le président soudanais Omar el-Béchir ne pourra pas quitter la République d'Afrique du Sud jusqu'à ce que le jugement définitif soit rendu dans cette affaire, et les autorités sont priées de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'en empêcher", a déclaré le juge de Pretoria.
L'audience a été renvoyée à lundi 11h30 heure locale (09h30 GMT).
C'est la première fois que la justice d'un pays africain tente d'empêcher un chef d'Etat en exercice de quitter son territoire en réponse à une demande de la CPI.
Comme si de rien n'était, M. Béchir, poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, a pris place en début d'après-midi au premier rang des chefs d'Etats pour la photo de groupe, non loin du président sud-africain Jacob Zuma, hôte du 25e sommet de l'Union africaine.
Sachant que l'organisation continentale n'a jamais soutenu les poursuites contre le président Béchir, le ministre soudanais des Affaires étrangères Ibrahim Ghandour a commenté l'incident avec calme.
"Cette action en justice, c'est l'affaire du gouvernement sud-africain (...) Nous sommes ici comme hôtes du gouvernement sud-africain. Des assurances ont été données par ce gouvernement", a-t-il dit.
A Khartoum, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Kamal Ismaïl a assuré que le président Béchir rentrerait à Khartoum après le sommet de l'UA.
"Il est difficile de donner les détails de l'emploi du temps de M. Béchir, mais il rentrera une fois terminée la principale session (du sommet, ndlr). Cela pourrait être aujourd'hui ou demain, je ne rentrerai pas dans les détails", a déclaré M. Ismaïl.
"Jusqu'ici tout se déroule normalement et Son Excellence le président ne court aucun risque", a-t-il insisté.
Le ministre zimbabwéen des Affaires étrangères Simbarashe Mumbengegwi, dont le pays exerce la présidence tournante de l'UA, a affirmé à l'AFP: "Dans le monde entier, les chefs d'Etat en exercice jouissent de l'immunité. L'Union africaine a donc dit qu'aucun tribunal au monde ne peut retirer cette immunité à un chef d'Etat en fonction".
Il est de fait très improbable que le pouvoir sud-africain fasse quoi que ce soit pour retenir M. Béchir contre son gré.
Deux mandats d'arrêt ont été lancés par la CPI contre ce dernier, en 2009 et 2010, en relation avec le Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie aux violences depuis 2003. Plus de 300.000 personnes sont mortes dans ce conflit selon l'ONU.
- 'Test pour l'Afrique du Sud' -
Dans une décision rendue publique dimanche, la CPI indique avoir rappelé le 28 mai à l'Afrique du Sud son obligation statutaire, en tant qu'Etat membre de la Cour, d'arrêter et de lui remettre M. Béchir si celui-ci se rendait sur son territoire.
Selon le document, l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux Pays-Bas a rétorqué vendredi à la CPI, qui siège à La Haye, que son pays se trouvait face à des "obligations concurrentes" et que la loi "manquait de clarté".
Pour la CPI cependant, "il n'existe aucune ambiguïté ou incertitude quant à l'obligation incombant à la République d'Afrique du Sud d'arrêter et de remettre immédiatement Omar el-Béchir à la Cour".
"Si l'Afrique du Sud n'obtempère pas", a commenté à Johannesburg l'avocat spécialiste des droits de l'Homme Gabriel Shumba, "elle se met dans le même panier que les régimes africains qui n'ont aucun respect pour les droits de l'Homme. En réalité, c'est un test pour l'Afrique du Sud".
Le président Béchir, 71 ans, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989 et réélu en avril sans opposition avec 94% des voix pour un nouveau mandat de cinq ans, a depuis 2009 considérablement limité ses déplacements à l'étranger, privilégiant les pays n'ayant pas rejoint la CPI.
Par ailleurs, le sommet de l'UA devait être dominé par la crise au Burundi et la question des migrants. Une session à huis-clos dimanche matin a été consacrée aux dossiers brûlants des migrations et de la xénophobie.
Samedi, la présidente de la Commission de l'Union africaine (UA) Nkosazana Dlamini-Zuma a exhorté les parties en conflit au Burundi à renouer le dialogue pour mettre fin à la crise qui secoue le pays depuis la fin avril.
Les troubles, qui ont fait une quarantaine de morts et poussé plus de 100.000 Burundais à fuir vers les pays voisins, ont été provoqués par la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat - jugé inconstitutionnel par ses opposants - après dix ans de pouvoir.