Le gouvernement sud-africain a enfreint la Constitution en n'arrêtant pas le président soudanais Omar el-Béchir, recherché pour génocide par la Cour pénale internationale (CPI) et venu participer au 25e sommet de l'Union africaine à Johannesburg, a estimé lundi un tribunal sud-africain.
"L'attitude (des autorités) qui ont échoué à prendre des mesures pour interpeller et arrêter le président du Soudan Omar el-Béchir est en contradiction avec la Constitution de la République sud-africaine", a déclaré le juge Dunstan Mlambo, qui avait interdit la sortie du territoire sud-africain au président soudanais. Le jugement a été rendu alors que M. Béchir était déjà dans l'avion pour Khartoum.
L'avocat de l'Etat n'a fait aucun commentaire, sinon pour annoncer "une enquête approfondie sur les circonstances du départ" de M. Béchir.
Le tribunal avait été saisi en urgence par une ONG, sans que cela inquiète outre mesure les autorités soudanaises qui avaient indiqué, avant l'issue de l'audience, avoir reçu des assurances sur la liberté de mouvement du président Béchir.
"C'est embarrassant pour l'Afrique du Sud qui aurait pu éviter cette situation, tout simplement en ne l'autorisant pas à venir", a commenté Jakkie Cilliers, directeur général de l'Institut des Études de Sécurité (ISS, Pretoria). Sans compter que "sa présence a détourné l'attention des vrais problèmes du continent".
"Mon impression est qu'en le laissant venir, ils (les dirigeants sud-africains) voulaient démontrer au reste du monde qu'ils partagent le point de vue de l'Afrique sur la CPI", a-t-il ajouté.
La CPI a été créée en 2002 à La Haye pour juger en dernier ressort les génocidaires et criminels de guerre qui n'ont pas été poursuivis dans leur propre pays.
Dès le 28 mai, la Cour pénale avait notifié à l'Afrique du Sud son obligation statutaire, en tant qu'Etat membre de la Cour, d'arrêter et de lui remettre M. Béchir si celui-ci se rendait sur son territoire.
Mais la CPI fait face à une virulente campagne en Afrique. Elle est accusée de racisme - notamment par les dirigeants africains - et de ne pourchasser que des Africains, ce qu'elle dément.
Sur huit dossiers en procès, tous concernent des dirigeants ou chefs rebelles africains, mais dans la majorité de ces cas, la CPI a été saisie par les gouvernements des pays concernés eux-mêmes.