En annoncant jeudi dernier qu’il classait sans suite le dossier de la mort de quatre enfants palestiniens pulvérisés par un missile israélien le 16 juillet 2014, sur une plage du nord de la bande de la bande de Gaza alors qu’ils jouaient au football, le procureur militaire israélien Danny Efroni a satisfait aux attentes de la majorité de l’opinion publique de son pays. Car pour cette dernière, Tsahal a tout été et reste « l’armée la plus morale du monde ».
Ce faisant, le procureur militaire, qui a également classé deux dossiers relatifs à des bombardements meurtriers d’habitions civiles durant l’opération « Bordure protectrice, la guerre de cinquante jours qui a opposé les factions palestiniennes à l’Etat hébreu durant l’été 2014, a déclenché une vague de colère en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Il a également poussé les dirigeants de l’Autorité palestinienne (AP) à accélérer les procédures qu’ils ont lancée contre l’Etat à la cour pénale internationale de La Haye (CPI) pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’Humanité ».
Enquête de la CPI
L’activisme juridique palestinien embarrasse beaucoup Binyamin Netanyahou et les autres dirigeants israéliens. D’autant que la procédure se met lentement en place : le 25 juin, l’AP transmettra au bureau de Fatou Bensouda, la procureure de CPI, une série d’éléments susceptibles selon elle d’étayer ses griefs à l’égard d’Israël. Des informations se rapportant aux trois dernières grandes opérations de Tsahal dans la bande de Gaza, ainsi qu’à la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-est (la partie arabe de la ville).
Deux jours plus tard, et toujours dans le cadre de l’instruction préliminaire en cours, des membres du bureau de la procureure se rendront à Jérusalem pour recueillir d’autres informations. Cette visite interviendra quelques jours après la publication du rapport de la commission créée à l’automne 2014 par le conseil des droits de l’Homme de l’ONU pour enquêter sur l’opération « Bordure protectrice ».
Chargé de diriger cette commission le professeur canadien William Shabas a démissionné après qu’Israël l’eut accusé de parti-pris pro-palestinien. Il a été remplacé par la juge américaine Mc Gowan-Davis. Quoi qu’il en soit, l’AP promet d’utiliser son rapport devant la CPI. Elle le fera également avec celui de la commission Richard Goldstone sur l’opération «Plomb durci» de décembre 2008.
Principe de subsidiarité
Mais Israël, qui redoute par-dessus tout de voir certains de ses responsables civils et militaires cités à comparaître pour « crimes de guerre », se prépare de longue date à cette guerre juridique. A Jérusalem, l’entourage de Binyamin Netanyahou rappelle que leur pays a certes signé la Convention de Rome mais ne l’a pas ratifiée, contrairement à AP qui a pleinement adhéré en avril 2015.
A en croire les défenseurs de la politique israélienne, en supposant que des poursuites soient engagées contre certains ressortissants de l’Etat hébreu, ce dernier arguera de leur irrecevabilité au nom du principe de subsidiarité selon lequel des affaires faisant l’objet de poursuites dans un Etat concerné ne peuvent être traitées par la cour de La Haye.
Ce qui nous ramène au procureur Efroni. En effet, le parquet israélien aura beau jeu de démontrer que des enquêtes ont été menées dans le cadre de dossiers considérés par les Palestiniens comme des « crimes de guerre », que des officiers et soldats ont été interrogés –certains ont d’ailleurs été placés en détention préventive- mais que tout cela n’a finalement pas débouché sur des inculpations.
Depuis six mois, le parquet militaire israélien a d’ailleurs multiplié le nombre d’enquête relatives à l’opération « Bordure protectrice ». Plus d’une centaine sont actuellement en cours. Au grand dépit de l’AP, la CPI a peu de chance d’en être saisie un jour.
Serge Dumont.