06.12.1999 - TPIR/RUTAGANDA - LA DEFENSE DE RUTAGANDA COMPTE INTERJETER APPEL

Arusha, 6 decembre 99 (FH) - La défense de l'ancien leader milicien, Georges Rutaganda, entend interjeter appel contre le verdict rendu lundi par la chambre de première instance du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR. Le TPIR a condamné Rutaganda à l'emprisonnement à vie pour crimes de génocide et crimes contre l'humanité (extermination et assassinat).

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"Je ne suis pas surprise ", a dit à l'agence Hirondelle, l'avocate canadienne de Rutaganda, Tiphaine Dickson, "et ma réaction est de prendre courage et de me préparer pour un appel que nous allons interjeter très bientôt ". " Georges est serein et a une conscience tranquille. Je pense que tous ces deux éléments l'empêchent D'être bouleversé ou surpris".

Rutaganda était le second vice-président de la milice Interahamwe, perçue comme le fer de lance du génocide et des massacres, qui ont emporté près D'un million de vies humaines en 1994, au Rwanda. Il avait plaidé non coupable de tous les chefs D'accusation établis à sa charge.

Me Dickson a dit qu'elle restait convaincue que son client est innocent, et qu'elle espérait que le verdict serait cassé. "Sûrement, je peux m'attendre à ce que la chambre D'appel intervienne s'il y a des erreurs de droit et nous croyons qu'il y en a. Nous croyons qu'il y a un certain nombre D'affaires que nous pouvons introduire en appel et les casser : aspects du verdict D'une part, et aspects du déroulement du procès eu égard à la justice fondamentale".

Le 27 novembre, Me Dickson a introduit une requête en extrême urgence, en faisant valoir que le TPIR était sujet à des pressions politiques du Rwanda, qu'il ne pouvait être perçu comme indépendant , et que son client devrait être libéré. Le tribunal a rejeté la requête, disant qu'aucune requête n'était admissible une fois que les juges étaient entrain de délibérer sur l'affaire. La cour a aussi ordonné au greffe de ne pas rémunérer l'avocate pour la préparation de cette requête.

Me Dickson affirme que la pression politique de la part des autorités rwandaises était devenue évidente depuis la décision , le 3 novembre , de libérer un accusé du génocide, Jean-Bosco Barayagwiza, pour vices de procédure durant la période de sa détention initiale au Cameroun et après son transfert à Arusha. La décision a entraîné la rupture de la coopération entre le gouvernement rwandais et le TPIR.

"Depuis que la chambre D'appel a rendu un jugement dans l'affaire du procureur contre Barayagwiza", a dit Me Dickson à l'agence Hirondelle, "nous avons eu un certain nombre de déclarations que je considère être des menaces proches du chantage, faites par le gouvernement rwandais, qui est en mesure de paralyser le processus ici. Les principes de base des Nations Unies en matière D'indépendance judiciaire ont été clairement éloquents, contre des entités étrangères intervenant dans le processus judiciaire".

Sur les huit chefs D'accusation dont il répondait, Rutaganda a été déclaré coupable de trois chefs, de génocide et de crimes contre l'humanité (extermination et assassinat) .

Le verdict a été rendu par l'ancienne chambre de première instance du TPIR. C'est cette chambre présidée par la juge Laïty Kama (Sénégal) et comprenant les juges Nevanethem Pillay (Afrique du Sud), et Lennart Aspegren (Suède) qui avait ouvert le procès en mars 1997. Cependant, la composition des chambres du TPIR a été modifiée entre temps.

"La chambre a établi, au delà de tout doute raisonnable, que l'accusé a ordonné, encouragé, et participé activement dans des attaques et les massacres visant à détruire le groupe ethnique tutsi", a dit le juge Laïty Kama.

Il a ajouté que la chambre était convaincue que l'accusé a distribué des armes et ordonné les massacres des tutsis à l'école technique officielle de Kicukiro (ETO), de même qu'il a dirigé l'attaque à Nyanza (Kigali), et a tué à la machette, un certain Tutsi nommé Emmanuel Kayitare, qui tentait de prendre fuite à partir du temple "Hindu Mandal" de Gakinjiro (Kigali).

"A Nyanza, certaines jeunes filles étaient choisies, mises de côté et violées avant D'être massacrées", a ajouté le juge.

Par contre, "faute de preuves, l'accusation n'a pas convaincu la chambre de la responsabilité de l'accusé dans les violations des conventions de Genève applicables en temps de guerre ", a encore relevé le juge.

" Nous avons obtenu l'emprisonnement à vie pour trois chefs D'accusation, et nous sommes vraiment satisfaits avec ça", a dit le substitut du procureur, Holo Makwaia (Tanzanie), "mais moi et chaque membre de l'équipe de l'accusation, devrons aller lire le jugement en entier, pour nous prononcer sur le chef de crimes de guerre, et les raisons pour lesquelles nous l'avons perdu ".

La représentante tanzanienne du parquet Holo Makwaia a précisé qu'on ne pouvait se prononcer sur la possibilité D'un appel de la part du parquet. "Nous pensions que les preuves que nous avons utilisées montraient la connexion entre lui et les Interahamwe", a-t-elle dit à Hirondelle, "et nous avons produit des preuves prouvant qu'à un certain point, les Interahamwe étaient entraînés. Ainsi ,ici vous aviez la structure D'une milice organisée et à toutes fins utiles nous pensions que cela rentrait dans les caractéristiques du crime".

CR/JC/PHD/FH (RU§1206b)