Sur les huit chefs d’accusation dont il répondait, Rutaganda a été déclaré coupable de trois chefs D'accusation, ceux de génocide et de crimes contre l’humanité (extermination et assassinat).
Le verdict a été rendu par l’ancienne chambre de première instance du TPIR. C’est cette chambre présidée par le juge Laïty Kama (Sénégal) et comprenant les juges Nevanethem Pillay (Afrique du Sud), et Lennart Aspegren (Suède), qui avait ouvert le procès en mars 1997. Cependant, la composition des chambres du TPIR a été modifiée entre-temps.
"La chambre a établi, au delà de tout doute raisonnable, que l’accusé a ordonné, encouragé, et participé activement dans des attaques et les massacres visant à détruire le groupe ethnique tutsi", a relevé le juge Laïty Kama.
Il a ajouté que la chambre était convaincue que l’accusé a distribué des armes et ordonné les massacres des Tutsis à l’école technique officielle de Kicukiro (ETO), de même qu’il a dirigé l’attaque à Nyanza (Kigali), et qu'il a tué à la machette un certain Tutsi nommé Emmanuel Kayitare qui tentait de prendre fuite à partir du temple "Hindu Mandal" de Gakinjiro (Kigali).
"A Nyanza, certaines jeunes filles étaient choisies, mises de côté et violées avant d’être massacrées", a dit le juge.
Par contre, "faute de preuves, l’accusation n’a pas convaincu la chambre de la responsabilité de l’accusé dans les violations des conventions de Genève applicables en temps de guerre", a dit le juge.
"Le génocide est un crime extrêmement grave et cela est une circonstance aggravante", a poursuivi le juge.
"La chambre reconnaît que l'état de santé de Georges Rutaganda est très mauvais et il a retenu l’aide que l’accusé a apporté à certains Tutsis dans leur fuite", a dit encore le juge avant de conclure que "ce sont des circonstances atténuantes, mais dans nos délibérations , nous avons pesé et trouvé que les circonstances aggravantes l’emportaient sur les circonstances atténuantes".
""Nous le condamnons à l’emprisonnement à vie pour l’ensemble des crimes dont il est coupable", a conclu le juge.
Dans son réquisitoire le 16 juin dernier, l e parquet du TPIR avait réclamé l’emprisonnement à vie, en faisant valoir que "sans la participation d’individus comme Georges Rutaganda, l’engrenage meurtrier du génocide rwandais n’aurait pas fonctionné comme il l’a été".
Le substitut du procureur du TPIR, James Stewart (Canada), avait indiqué que le génocide anti-tutsi n’était pas le résultat d’une explosion de colère, mais "la conséquence de l’action délibérée d’une élite politique et militaire".
"Rutaganda n’était pas au sommet de la pyramide mais, il occupait des postes influents au sein du MRND [ex-parti présidentiel] et surtout au sein de sa jeunesse, les Interahamwe", avait expliqué le représentant du Parquet.
Rutaganda avait été arrêté le 10 octobre 1995 à Lusaka en Zambie, puis transféré le 26 mai à Arusha.
Le procès avait été suspendu a plusieurs reprises suite aux problèmes de santé de l’accusé, et, une fois, de son défenseur. Il est défendu par une avocate canadienne, Me Tiphaine Dickson.
Le jugement de Rutaganda est le sixième rendu par le TPIR depuis sa création en1994.
Le 21 mai dernier, le TPIR a condamné l’ancien préfet de Kibuye (ouest du Rwanda), Clément Kayishema, à l’emprisonnement pour le reste de sa vie, et un homme d’affaires, Obed Ruzindana, à vingt cinq ans d’emprisonnement.
Le TPIR avait auparavant prononcé des peines d’emprisonnement à vie contre l’ancien maire de Taba (préfecture de Gitarama, centre du Rwanda), Jean-Paul Akayesu, et l’ancien premier ministre intérimaire, Jean Kambanda. Ce dernier avait plaidé coupable.
Un ancien leader Interahamwe de la région de Gisenyi (nord-ouest du Rwanda), Omar Serushago qui a également plaidé coupable, a été condamné à quinze ans d’emprisonnement.
Le TPIR devrait rendre prochainement le jugement de l’ancien directeur de l’usine à thé de Gisovu en préfecture de Kibuye (ouest du Rwanda) , Alfred Musema.
CR/PHD/FH (RU§1206A)