La position du Rwanda est qu'ils soient extradés vers le Rwanda, sinon, si c'est impossible, vers le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) à Arusha en Tanzanie, ou encore qu'ils soient jugés dans les pays où ils se trouvent, mais jamais qu'ils ne restent en liberté, a poursuivi le ministre Mucyo, convaincu que le génocide et les crimes contre l'humanité commis au Rwanda sont le résultat d'une tradition d'impunité.
Certains pays refusent de les extrader vers le Rwanda, "nous reprochant", a dit le ministre rwandais, "de ne pas avoir de conditions de détention répondant aux normes internationales, parce que le Rwanda applique la peine de mort, ou encore parce que nous n'avons pas d'accord d'extradition avec ces pays. Ces pays ne les jugent pas non plus, arguant que leur législation ne le permet pas. Ce qui est vrai dans beaucoup de cas. Mais nous demandons que cela soit corrigé".
Jean de Dieu Mucyo s'est félicité des exemples donnés par la Suisse, qui a jugé l'ancien bourgmestre de Mushubati, Fulgence Niyonteze, et la Belgique, qui doit commencer le 17 avril prochain à juger quatre Rwandais et qui a extradé vers le TPIR un certain nombre d'autres, parmi lesquels le général Augustin Ndindiliyimana, ancien chef d'Etat-major de la gendarmerie.
Le procureur général près la Cour suprême, Gérard Gahima, a de son côté déclaré que la France avait autorisé une commission rogatoire contre l'abbé Wenceslas Munyeshyaka, qui viendra bientôt au Rwanda. Il a précisé que la plupart des suspects "se trouvent en République Démocratique du Congo (RDC), au Cameroun, en République Centrafricaine, au Kenya, en Zambie, en France, en Belgique, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Afrique du Sud… Depuis l'année dernière, beaucoup d'Interahamwe ont commencé à trouver refuge en Ouganda, un pays ami. Certains de ces pays leur ont attribué des passeports".
Selon le procureur Gahima, le Rwanda ne peut pas avoir tous ces suspects parce qu'il n'a des accords d'extradition qu'avec cinq pays seulement : la RDC, le Burundi, la Tanzanie, l'Ouganda et le Kenya. Il a avoué que le Rwanda avait, jusqu'ici, commis la faute de ne pas avoir mis assez d'énergie à proposer et à négocier des accords d'extradition d'autres pays, et de ne pas avoir élaboré de bons dossiers d'accusation pour faciliter la tâche à ces pays contre différents suspects qui sont chez eux.
Le procureur général a indiqué que cela allait être corrigé. Les parquets, qui vont être dégagés dans les mois à venir de milliers de dossiers qui seront pris en charge par les tribunaux Gacaca, auront cette fois-ci suffisamment de temps pour se consacrer aux dossiers des gros poissons en cavale, sur lesquels une banque de données va être créée, a-t-il indiqué.
Le procureur général a affirmé qu'il y a des pays avec lesquels il est vraiment inutile de perdre de l'énergie pour engager des négociations d'extradition. Il a donné l'exemple de la RDC et de l'Ouganda, "brouillé avec le Rwanda actuellement". "Il est clair que même si on essayait, nous n'aboutirions à aucun résultat. Toutefois, nous ne faisons même pas tout ce qu'il faut faire là où c'est possible d'essayer. Le seul pays que je connaisse où nous avons essayé, c'est la Tanzanie dans l'affaire du major Ntuyahaga, sur laquelle nous attendons une décision de la justice tanzanienne", a-t-il dit.
20.000 plaidoyers de culpabilité dans les prisons rwandaises
Environ 20.000 détenus ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité du crime de génocide et de crimes contre l'humanité, a déclaré le ministre Mucyo dans la même conférence. Le ministre n'est pas tout à fait satisfait de ce résultat : "ce n'est pas très satisfaisant mais c'est mieux que rien", a-t-il estimé.
Il y a environ 125.000 prisonniers au Rwanda, dont 115.000 accusés de génocide et des crimes contre l'humanité. Les prisons étant archi-combles, il a été difficile de dégager des ailes réservées à ceux qui plaident coupable dans les prisons. Les gens ont peur de dénoncer des co-détenus, craignant des représailles, a expliqué Mr Mucyo.
Le recours à l'aveu et au plaidoyer de culpabilité bénéficie d'une réduction de peine pour l'accusé, à condition qu'il donne tous les détails sur ses crimes et les gens ayant participé qu'il connaît.
WK/PHD/FH (RW&0323A)