La loi organique sur les Gacaca avait été adoptée par l'assemblée nationale en août de l'an dernier.
Dans son arrêt, la Cour Constitutionnelle a considéré que le Rwanda a ratifié la convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, la convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des civils en temps de guerre et les protocoles additionnels, ainsi que la convention du 26 novembre 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, sans toutefois prévoir des sanctions pour ces crimes.
La Cour Constitutionnelle a également considéré "qu'il importe de prévoir des peines permettant aux condamnés de s'amender et de favoriser leur réinsertion dans la société rwandaise sans entrave à la vie normale de la population".
Enfin, dans leurs attendus, les trois juges qui ont rendu l'arrêt déclarent que la loi organique sur les Gacaca est intervenue dans "l'optique de parvenir à la réconciliation et à la justice sans viser seulement la simple répression, mais la reconstitution de la société rwandaise mise en décomposition par les mauvais dirigeants qui ont incité la population à exterminer une partie de cette société".
Avant de rendre leur arrêt sur le fond, les juges de la Cour Constitutionnelle ont fait quelques observations de pure forme sur le texte de loi, en demandant par exemple une formulation différente de quelques phrases dans certains articles. Ainsi, la Cour Constitutionnelle décrète que le paragraphe 3 de l'article 91, écrit comme suit dans le texte adopté par l'assemblée nationale (parlement) en août dernier : "En contrepartie du pourcentage de son budget annuel que l'Etat doit réserver chaque année au Fonds d'indemnisation et qu'il accepte son rôle dans le génocide, toute action civile dirigée contre l'Etat doit être déclarée irrecevable", doit être libellé de la manière suivante : "Toute action civile dirigée contre l'Etat devant les juridictions ordinaires ou devant les juridictions Gacaca doit être déclarée irrecevable du fait qu'il accepte son rôle dans le génocide et qu'en contrepartie il verse chaque année un pourcentage de son budget annuel au fonds d'indemnisation".
Depuis le début des procès de génocide en décembre 1996, l'Etat était régulièrement cité comme civilement responsable, mais ne comparaissait jamais. Cependant, le paragraphe 4 stipule que les dispositions du paragraphe 3 "ne s'appliquent qu'aux actions introduites après l'entrée en vigueur de la présente loi organique, aux affaires actuellement pendantes devant les juridictions et aux décisions judiciaires non encore coulées en force de la chose jugée". Le même article précise que "s'agissant des décisions judiciaires ayant acquis l'autorité de la chose jugée, leur exécution se conformera, en ce qui concerne les dommages et intérêts mis à charge de l'Etat, au barème fixé par la loi régissant le fonds d'indemnisation".
Entre-temps, un projet de loi portant création du fonds d'indemnisation est en cours d'étude. L'ONG belge Avocats Sans Frontières (ASF) note que "les magistrats, jusqu'ici, font droit aux demandes des parties civiles portant sur des sommes importantes de dommages et intérêts que, d'un point de vue réaliste, aucun prévenu condamné, ni même l'Etat, n'est en mesure de payer".
Les juridictions Gacaca auront entre autres comme tâches principales de procéder à la catégorisation des prévenus et de connaître des affaires des catégories 2, 3 et 4, à l'exception de la première catégorie. La première catégorie comprend notamment les planificateurs, organisateurs, incitateurs, superviseurs et encadreurs du génocide et des crimes contre l'humanité, les personnes ayant agi en position d'autorité, au sein des partis politiques, de l'armée, des confessions religieuses ou des milices, les meurtriers qui se sont distingués par leur zèle dans les tueries ou leur méchanceté excessive, les auteurs de viols et de tortures sexuelles.
La loi organique sur les Gacaca supprime les Chambres spécialisées des Tribunaux de première instance et des juridictions militaires, qui connaissaient jusqu'ici des affaires de génocide et des crimes contre l'humanité, ainsi que leurs parquets. Les personnes relevant de la première catégorie seront désormais justiciables des juridictions ordinaires.
Contrairement à la loi organique de 1996 sur la base de laquelle les procès de génocide sont organisés jusqu'ici, la loi organique sur les Gacaca offre une chance aux prévenus relevant de la première catégorie. En effet, la loi organique de 1996 stipule qu'ils encourent la peine de mort et la dégradation civique perpétuelle et totale. La loi organique sur les Gacaca est plus clémente : "les prévenus relevant de la première catégorie qui n'auront pas voulu recourir à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité ou dont l'aveu et le plaidoyer de culpabilité auront été rejetés encourront la peine de mort ou d'emprisonnement à perpétuité". Mais si les aveux sont acceptés, le prévenu n'encourt qu'une peine allant de 25 ans de prison à l'emprisonnement à perpétuité, au terme de la loi sur les Gacaca.
Le travail n'est cependant pas encore achevé, avant la mise en route effective des juridictions Gacaca: il reste encore leur règlement d'ordre intérieur, que le président de la Cour Suprême doit arrêter, ainsi que l'élection des juges puis leur formation.
WK/PHD/FH (RW&0214A)