La Cour Suprême se compose de cinq sections: le Département des Cours et Tribunaux, la Cour de Cassation, la Cour des Comptes, le Conseil d’Etat et la Cour Constitutionnelle. Les présidents des cinq sections sont d’office les vice-présidents de la Cour Suprême.
Aucun membre des anciennes autorités de la Cour Suprême ne figure dans la nouvelle composition. Le Président du Département des Cours et Tribunaux était mort il y a deux ans et n'avait jamais été remplacé. Le président du Conseil d'Etat, Alype Nkundiyaremye, avait été limogé par le gouvernement en juin dernier. Le président de la Cour de Cassation, Augustin Cyiza, avait été limogé par le Premier Ministre, Pierre-Célestin Rwigema, le 25 mars 1998.
Les autres anciennes autorités, y compris le président de la Cour Suprême, Jean Mutsinzi, avaient été priés de démissionner. M. Mutsinzi devrait être présenté prochainement au parlement par le gouvernement comme candidat à la présidence de la Commission Constitutionnelle qui sera formée bientôt. Il avait subi de sévères critiques sur sa gestion de la Cour Suprême.
Radiations et démissions
Jusqu'au renouvellement des autorités, le fonctionnement de la Cour suprême s'était progressivement trouvé paralysé. Deux sections de la Cour Suprême seulement étaient en mesure de fonctionner, difficilement. Les trois autres étaient pratiquement inexistantes, faute de personnel. La plupart des magistrats avaient été soit radiés, soit invités à démissionner.
Dans une lettre du 23 mars 1998, le président en charge de la Cour suprême Jean Mutsinzi écrivait aux plus hautes autorités du pays que "...dans la Magistrature et particulièrement à la Cour Suprême, on a laissé en place les magistrats nommés par l'ancien Régime alors que dans les autres Institutions de l'Etat on a procédé à un renouvellement complet des cadres (...) La conséquence est qu'actuellement ces magistrats, avec à leur tête les présidents des sections de la Cour de Cassation, Augustin Cyiza, et du Conseil d'Etat, Alype Nkundiyaremye, ont commencé à mettre en œuvre une véritable stratégie de sabotage et de déstabilisation de la Cour Suprême, avec toutes les conséquences que cela pourra avoir sur tout le système judiciaire rwandais et le pays lui-même".
Plusieurs magistrats, ainsi que les présidents de la Cour de Cassation et du Conseil d'Etat, refusaient en effet d'appliquer certaines ordonnances du président de la Cour Suprême, arguant qu'en prenant ces décisions, e dernier usurpait les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature. Ce Conseil est l'organe qui décide de la nomination et de la révocation des magistrats du siège, et en fait de la gestion de la carrière de ces magistrats (y compris les magistrats de la Cour Suprême autres que le président et les vice-présidents). La magistrature debout, elle, est gérée par le ministre de la justice.
Jean Mutsinzi s'était défendu en disant que l'attitude des magistrats en cause était une insubordination et il les avaient à l'encore decontre ses compétences d'organisation et d'administration de la Cour Suprême. Il les a alors radiés ou les a contraints à démissionner.
Opposition à la loi sur le génocide
En ce qui concerne le président du Conseil d'Etat, Alype Nkundiyaremye, il a été critiqué pour ses prises de position sur les procès de génocide.
En septembre dernier, il avait écrit une lettre confidentielle au président de la République, Pasteur Bizimungu, disant que la loi organique du 30/8/96 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité est anti-constitutionnelle et doit être abrogée. Cette lettre avait été mal perçue par les plus hauts dirigeants du pays.
Paralysie aux conséquences importantes
La paralysie de la Cour Suprême a eu des conséquences importantes sur l'ensemble du système judiciaire. De nombreux cours et tribunaux ne pouvaient plus fonctionner, n'ayant plus de coordination. C'est en effet la Cour Suprême, la plus haute juridiction du Rwanda, qui dirige et coordonne les activités de tous les autres cours et tribunaux du pays.
Les difficultés de fonctionnement ont aussi eu des conséquence sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, la Cour Suprême étant la garante de cette indépendance. Ainsi, de nombreux magistrats ont été passaient des mois et des mois sans avoir leurs salaires, déjà très bas, ce qui pouvait les inciter poussait à la corruption. La corruption dans la magistrature a été qualifiée de fléau par les députés, lors de la séance au cours de laquelle ils entendaient les candidats à la direction de la Cour Suprême.
Des conséquences se sont fait sentir enfin sur les procès de génocide et des crimes contre l'humanité. Les députés ont soulevé le cas d'un député, accusé de ces crimes, dont le procès ne peut pas être conclu depuis de nombreux mois faute de magistrats à la Cour de Cassation, juridiction devant laquelle les parlementaires et les hauts responsables du pays sont justiciables.
WK/PHD/FH (RW&0710A)