Le parquet militaire cite parmi ses victimes un certain Alphonse Niwemana de Kigarama-Gikondo, et un certain Safari et sa femme qui étaient réfugiés à Shyogwe. Ces derniers, selon l'accusation, ont été dénoncés par le pasteur Ngirinshuti. Le major Nyirahakizimana aurait alors envoyé deux de ses soldats-gardes du corps les chercher et les amener au camp militaire de Gitarama, où ils ont ensuite été tués. Le major Nyirahakizimana est par ailleurs accusée d'avoir ordonné l'assassinat d'Honoré Rurangwa, un des réfugiés du Centre Saint-Joseph de Kabgayi.
D'après l'acte d'accusation, elle a en outre ordonné la fouille de maisons privées pour y débusquer des Tutsis cachés et les massacrer, parmi lesquels un certain Frédéric Kadende, ainsi que la destruction de leurs maisons.
Non assistance à personnes en danger
Le major Nyirahakizimana est accusée en outre de non-assistance à personnes en danger, "alors qu'elle en avait le pouvoir et les moyens". Ainsi, affirme le parquet militaire, une religieuse du Centre de santé de Gikondo l'a appelée au secours, par téléphone le 7 ou le 8 avril 1994, pour protéger des Tutsis qui s'y étaient réfugiés. "L'officier n'a rien fait jusqu'à ce qu'ils soient tous massacrés", indique l'accusation.
Le major des ex-Forces armées rwandaises (FAR) doit enfin répondre d'association de criminels en vue d'éliminer des membres de l'ethnie tutsi. Le Parquet militaire classe le major Nyirahakizimana dans la première catégorie des "génocidaires", parce qu'elle "faisait partie de la direction de l'armée, et qu'à ce titre, elle a ordonné et dirigé la commission des crimes qui lui sont reprochés et incité d'autres gens à les commettre".
Pasteur directeur d'école
Le pasteur Athanase Ngirinshuti, qui était directeur d'une école secondaire de l'évêché anglican de Shyogwe en 1994, est accusé de violation des Conventions de Genève et leurs trois protocoles additionnels, ainsi que de génocide et de crimes contre l'humanité commis à Shyogwe, commune Nyamabuye (préfecture de Gitarama), vers le mois de mai 1994.
Plus particulièrement, il est accusé d'avoir dénoncé et révélé la cachette d'un certain Safari et sa femme, ainsi qu'un enfant de la famille qui avait accueilli ces derniers, et d'avoir dénoncé et révélé la cachette d'un certain Wellars Kamanzi et sa famille, d'un nommé Fidèle Mwanankabandi et d'autres Tutsis qui ont tous été tués, selon l'acte d'accusation. Le parquet militaire accuse également le religieux anglican d'association de criminels en vue de massacrer des membres de l'ethnie tutsi.
Enquête supplémentaire sur le terrain
Les juges de la Chambre spécialisée de la Cour militaire ont conclu que les crimes reprochés aux deux accusés ont eu lieu aux lieux incriminés. Mais ils ont estimé nécessaire d'y effectuer "une descente" pour rechercher des preuves supplémentaires. La Chambre mettra en place sa propre commission pour mener ces nouvelles enquêtes, a déclaré son président, le lieutenant-colonel Jackson Rwahama. Le procès sera rouvert le 21 mai pour permettre un débat contradictoire uniquement sur le contenu du rapport de cette commission, a-t-il précisé.
Le Parquet militaire avait requis la peine de mort pour les deux accusés, dont le verdict aurait dû être prononcé le 9 avril dernier. Mais ce prononcé avait été reporté sine die, le mandat des juges ayant expiré le 3 avril dernier. L'un des avocats de la partie civile, Me François Rwangampuhwe, avait alors expliqué à l'Agence Hirondelle que, "lorsque le mandat des juges de la Cour militaire expire et après nomination de nouveaux juges, les parties prenantes dans un procès sont réassignées et les débats sont rouverts".
Les juges de la Cour Militaire sont nommés par le Gouvernement pour un mandat d'un an éventuellement renouvelable. Ils ont à nouveau prêté serment il y a trois semaines. Le siège de la Chambre spécialisée dans l'affaire Nyirahakizimana-Ngirinshuti est composé des mêmes juges que précédemment, à savoir le lieutenant-colonel Rwahama comme président et deux assesseurs, le lieutenant Jean-Marie Micombero et le sergent Narcisse Nsengiyumva.
Les accusés sont assistés par trois avocats mandatés par l'ONG belge Avocats Sans Frontières. La partie civile est représentée par Mes François Rwangampuhwe et Jean-Paul Biramvu, du Barreau rwandais.
WK/PHD/FH (RW&0511A)