Il a pour mandat de poursuivre les auteurs du génocide dans le souci de contribuer à la réconciliation nationale au Rwanda.
Le TPIR a connu des débuts difficiles. Il a non seulement eu à pâtir de la mauvaise image des Nations Unies au Rwanda, où les casques bleus se sont retirés au plus fort du génocide, mais il a en outre été critiqué pour sa lenteur et son inefficacité.
Les critiques, particulièrement au Rwanda, ont aussi relevé le fait que les personnes accusées d'avoir planifié le génocide et détenues par le TPIR, jouissent de meilleures conditions que les tueurs de bas étage détenus dans les prisons rwandaises.
Ainsi, les " gros poissons " détenus par le TPIR encourent une peine maximale d'emprisonnement à vie, alors que les gens poursuivis pour le génocide à l'intérieur du Rwanda risquent la peine de mort.
L'image du TPIR au Rwanda s'est pourtant améliorée depuis qu'il a prononcé ses premiers jugements. Le tribunal a condamné cinq personnes pour génocide, y compris l'ancien premier ministre rwandais, Jean Kambanda. Le rythme des procès commence à s'améliorer, et deux autres jugements sont attendus prochainement.
En juin de cette année, les Nations Unies ont signé avec le gouvernement rwandais un "mémorandum of understanding ", longtemps attendu, aux termes duquel le Rwanda s'est engagé à accorder certains privilèges au personnel du TPIR .
Au début du mois d'octobre, le tribunal s'est félicité de la nomination par Kigali d'un représentant spécial auprès du TPIR. Et début novembre, les juges du TPIR ont effectué une première visite de travail judiciaire au Rwanda dans le contexte d'un procès mené par les Nations Unies.
Mais à peine les juges étaient remontés dans leur avion pour regagner Arusha où le TPIR est basé, qu'une crise majeure a éclaté.
La chambre d'appel du TPIR siégeant à La Haye avait ordonné la libération immédiate d'un prévenu, et non des moindres, Jean-Bosco Barayagwiza, considéré comme l'idéologue du parti anti-Tutsi, pour vice de procédure lors de sa détention préventive.
La réaction au Rwanda semble être unanime : le choc et l'incompréhension
" Je ne comprends pas ", a dit Emmanuel Sakindi, chauffeur de taxi de Kigali, qui vivait au Rwanda pendant le génocide. " Je sais qu'il a participé , et qu'il a distribué des armes."
Non seulement Barayagwiza a participé au génocide, mais aux yeux de la plupart des gens, il figure parmi les principaux planificateurs des massacres à grande échelle déclenchés par la mort du président Juvénal Habyarimana quand son avion a été abattu le 6 avril 1994.
Barayagwiza était conseiller politique au ministère des affaires étrangères du gouvernement intérimaire en place lors du génocide. Il était membre du comité directeur de la radio de la haine, la radio télévision libre des mille collines, qui incitait la population hutue à tuer les Tutsis, et il était un haut dirigeant du parti extrémiste hutu CDR [coalition pour la défense de la république].
Sept chefs d'accusation avait été retenus contre Barayagwiza, dont ceux de génocide, complicité dans le génocide, incitation directe et publique au génocide, et crimes contre l'humanité comprenant des pillages. Il devait être jugé avec deux autres accusés dans un " méga-procès des média ".
" Il était impliqué, et pas dans une moindre mesure ", m'a dit un journaliste de Radio-Rwanda, Jean-Jill Mazuru. " Il est un de ceux-là qui ont planifié et exécuté le génocide. Il y a des gens qui peuvent témoigner. Est-ce que les juges qui ont pris cette décision ont jamais été au Rwanda chercher des informations ? C'est ça ma question."
Un résident de Kigali qui prétend avoir connu Barayagwiza mais qui a requis l'anonymat, a dit simplement : " Si vous le relâchez, autant relâcher tous les autres."
"C'est une moquerie de la justice ", m'a dit un autre journaliste . Et encore un autre l'a comparé à Hitler. " Si des procédures ont été violées, OK ", a dit Ferdinand Murara qui a fait des études de droit. "Nous sommes conscients des garde-fous prévus par la loi. Mais que la chambre insiste plus sur la procédure que sur le fond -- et en droit pénal c'est le fond qui compte -- je ne comprends pas. Pour moi, s'il est libéré, le tribunal n'a plus de raison d'être ".
La réaction du gouvernement rwandais ne s'est pas faite attendre. Moins d'un jour après avoir appris la nouvelle, Kigali a annoncé la suspension de toute coopération avec le TPIR.
Les analystes disent que la pression publique était telle que le gouvernement se devait de réagir. Kigali dit qu'il reste ouvert aux discussions avec le TPIR dans la perspective que la chambre d'appel revienne sur sa décision.
Mais si cela ne devait pas se produire, le tribunal de l'Onu pourrait bien avoir à se poser quelques questions existentielles.
JC/KAT/FH (BR§1109e)