Les jihadistes du groupe Etat islamique ont lancé jeudi une attaque surprise pour reprendre pied dans la ville kurde de Kobané, où ils avaient subi en janvier leur pire revers depuis le début de leur expansion en Syrie.
Les combattants de l'organisation extrémiste ont également mené une offensive contre la ville de Hassaké dans le nord-est, s'emparant pour la première fois de deux quartiers dans cette capitale provinciale partagée entre le régime et les forces kurdes.
Dans le sud syrien, ce sont des groupes rebelles, dont des jihadistes de la branche syrienne d'Al-Qaïda, qui accentuent la pression sur les forces du régime de Bachar al-Assad à Deraa, berceau de la révolution de 2011.
A Kobané (Aïn Al-Arab en arabe), les jihadistes sont revenus par la ruse, en revêtant l'uniforme des Unités de protection du peuple kurde (YPG), la principale milice kurde syrienne, selon des militants contactés par l'AFP.
En janvier, les YPG, avec l'aide des frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis, avaient chassé le groupe ultraradical de cette ville frontalière de la Turquie après quatre mois de combats, faisant de la cité un haut-lieu de la lutte anti-EI.
Les jihadistes ont perpétré trois attentats suicide à la voiture piégée près du poste-frontière avec la Turquie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui n'était pas en mesure de fournir un bilan des victimes.
Des combats se poursuivaient dans l'après-midi dans le centre de Kobané, où les YPG ont dépêché des renforts.
- 'Semer la confusion' -
Dans le sud de la Turquie, le bureau du gouverneur de la province de Sanliurfa a assuré que les jihadistes s'étaient introduits "depuis (la ville de) Jarablos en Syrie". Un responsable turc a aussi affirmé à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, "avoir la preuve concrète qu'il n'y a pas eu d'entrée depuis le côté turc".
Pour Idris Nasan, un responsable kurde à Kobané, l'EI "cherche à semer la confusion pour venger leur défaite (de janvier) et pousser les Kurdes à la fuite".
Des membres de l'organisation extrémiste ont d'ailleurs exécuté 23 kurdes syriens, y compris des femmes et des enfants, dans un village des environs de Kobané, d'après l'OSDH et des militants.
D'après le militant Arin Shekhmos, l'attaque de Kobané "est une vengeance de la part de l'EI après ses revers sur plusieurs fronts face aux forces kurdes et leurs alliés rebelles".
Il fait référence aux défaites subies par l'EI depuis plus d'une semaine dans le nord de la Syrie face aux YPG, qui lui ont arraché Tall Abyad, ville frontalière de la Turquie, et la Brigade 93, base importante à 56 km au nord de Raqa, principal fief des jihadistes en Syrie.
Plus à l'est, à Hassaké, chef-lieu de la province éponyme frontalière de la Turquie et de l'Irak, des jihadistes se sont emparés de deux quartiers auparavant sous contrôle du régime.
Au moins 20 jihadistes et 30 membres des forces du régime ont été tués lors de violents affrontements toujours en cours jeudi dans cette ville dont le régime syrien et les forces kurdes se partagent le contrôle.
L'EI y avait entamé une offensive le 30 mai mais avait jusqu'à présent été repoussé. Un attentat suicide contre un point de contrôle tenue par une milice pro-régime lui a cette fois permis d'entrer dans la cité.
- 'Opérations de diversion' -
Pour Charles Lister, expert au Brooking Doha Centre, "les attaques inattendues et spectaculaires" de l'EI à Kobané et Hassaké sont "des opérations de diversion" visant "à détourner les Kurdes de Raqa". Depuis mardi, ces derniers ne sont plus qu'à 56 km de cette ville.
L'EI a proclamé il y a un an un "califat" sur les pans de territoire conquis en Syrie et en Irak, où il fait régner sa loi et multiplie les exactions, au point d'être accusé de crimes contre l'Humanité par l'ONU.
Selon une vidéo diffusée jeudi, des jihadistes ont décapité 12 hommes présentés comme membres de groupes rebelles rivaux dans la région de Damas.
Plus au sud, près de la Jordanie, des forces du régime dans la ville de Deraa sont attaquées par une coalition de rebelles, dont des jihadistes du Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda.
Un porte-parole d'un de ces groupes rebelles, Dia Hariri, a affirmé que le but était "de libérer" Deraa, dont la majeure partie est aux mains des rebelles depuis plus d'un an.
La province éponyme est également majoritairement contrôlée par des groupes rebelles, qui y ont enregistré des gains territoriaux ces dernières semaines.