Sept pays ont jusqu’à présent signés des accords bilatéraux avec le TPIR pour accueillir des condamnés qui y exécuteraient leurs peines. Le Mali et le Bénin ont signé leur accord en 1999, et le Swaziland en août 2000. Ils ont été rejoint la semaine dernière par le Rwanda même si l'article 26 du statut stipulait dés 1994 que les condamnés étaient voués à rentrer dans leur pays. Jusqu'à présent les Nations Unies ont reculé devant cette destination qui suscite de vives inquiétudes chez les prisonniers. Les premiers condamnés à quitter Arusha sont allés au Mali. Six d'entre eux y sont depuis décembre 2001.
Trois pays d’Europe ont également scellé ce type d’accord : la France en 2003, et l’Italie et la Suède en 2004. Seule l’Italie, il y a deux semaines, a reçu Georges Ruggiu, seul non rwandais a avoir été mis en accusation, jugé et condamné. Sa double nationalité italienne et belge explique sans doute son transfert vers la péninsule. Interrogé par l'agence Hirondelle son avocat, Jean-Louis Gilissen, a regretté de ne pas avoir été informé du transfert de son ancien client. « Aux yeux du Tribunal, la désignation [de l’avocat] a pris fin avec l’écoulement du délai d’appel ». «Assez ennuyé » Me Gilissen souhaiterait savoir où il a été transféré « au moins pour savoir s’il est assisté d’un conseil ».
Les pourparlers pour transférer Ruggiu ont commencé « il y a bien longtemps » a-t-il expliqué. Avec Me Mohammed Aouini ce transfert avait été envisagé en 2002 après son témoignage dans l’affaire des médias comme le procureur le lui avait laissé entendre. Mais cette promesse n'avait pas été respectée comme cela a souvent été le cas dans le cadre des négociations entre les accusés et l'accusation. «Manifestement on ne souhaitait pas que Ruggiu aille au Rwanda » estime Me Gilissen. Aussi « son cas devait donc être réglé avant que le Tribunal ne passe un accord avec le Rwanda pour l’exécution des peines» estime-t-il.
Georges Ruggiu aura purgé sa peine le 23 juillet 2009. Mais la loi italienne, part l’article 176 du Code pénal, prévoie la possibilité de la libération anticipée si la moitié de la peine a été effectuée. A condition que le condamné ait été détenu « pendant au moins trente mois et que la durée de la peine restant à purger n’excède pas cinq ans ».
Arrêté en juillet 1997, Georges Ruggiu a été condamné à 12 ans de prison en 2000 par le TPIR. Il a donc déjà effectué dix ans et cinq mois de sa peine. La loi italienne ne précise pas, pour ceux qui ont été condamnés à l’étranger, si les trente mois doivent avoir été exécutés en Italie. Elle précise toutefois que les condamnés « doivent, par leur comportement pendant la détention, avoir donné l’assurance de leur repentir ».
En France, autre pays susceptible d'accueillir un ou plusieurs condamnés pour l’exécution des peines, il faut que « la durée de la peine accomplie [soit] au moins égale à la durée de la peine restant à subir » selon l’article 729 du code de procédure pénale. Le principe voulant que « les peines peuvent être aménagées en cours d’exécution pour tenir compte de l’évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L’individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter un renvoi en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire » (article 707).
Au Rwanda, qui peut dorénavant recevoir des condamnés du TPIR pour qu’ils purgent leur peine, l’article 238 du Code pénal requière que celui qui a été condamné à plus de six mois de prison doit avoir effectué un quart de sa peine pour demander une libération conditionnelle. Pour les condamnés à perpétuité, cette période, appelée le temps d’épreuve est de dix ans. Toutefois, « ne peuvent pas bénéficier de la libération conditionnelle les personnes condamnées pour génocide, crime contre l’humanité, terrorisme, viol des mineurs ou tortures sexuelles (…) » (article 237).
Ainsi, les condamnés du TPIR ne bénéficieront pas des mêmes mesures d‘aménagement de peine selon le pays qui les accueille. Dans tous les cas, la décision finale appartient au Président du TPIR. Car, si les condamnés transférés pour purger leur peine passent sous l’autorité du pays qui les reçoit, « ils restent sous le contrôle de l’ONU » expliquait récemment à Hirondelle le porte-parole du Tribunal Roland Amoussouga.
L’autorité du Président en la matière est prévue par l’article 27 du Statut du TPIR ainsi que par les accords bilatéraux d’exécution des peines. Lesquels disposent d’ailleurs que, dans le cas où l’Etat d’accueil déciderait d’accorder une libération anticipée alors que le Président du TPIR s’y oppose, le condamné sera de nouveau transféré. « L’option du Tribunal, autant que faire se peut, est de faire exécuter les peines en Afrique et ce, pour des raisons socioculturelles » apprend on cependant sur le site Internet du tribunal.
Jusqu’à présent, aucun condamné du TPIR n’a bénéficié d’une libération anticipée. Plusieurs demandes ont été déposées mais a chaque fois rejetés par les deux derniers présidents ceux ci arguant de la gravité des crimes commis ainsi que la durée restante avant le terme de la peine.
Au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, vingt-huit personnes définitivement condamnées purgent actuellement leurs peines, six sont en attente de transfert. Le Tribunal a signé son quatorzième accord en février avec l’Estonie. Sur dix-sept qui ont purgé leur peine, dix ont été libérées avant la date prévue initialement. Toutes avaient effectué plus de la moitié de peine. Celles ci étaient au maximum de douze ans.
Les profils de condamnation devant le TPIR ne sont pas les mêmes. Sur les six transférés vers le Mali en décembre 2001, quatre sont condamnés à la prison à vie et les deux autres à vingt-cinq et quinze ans de prison. Ils sont donc encore loin du terme leur permettant de déposer une demande de libération.
Cependant, parmi ceux en attente de transfert deux condamnés pourraient être candidats à la libération anticipée : Samuel Imanishimwe et Joseph Nzabirinda qui ont été arrêtés respectivement en 1997 et en 2001 et condamnés à 12 ans et 7 ans de prison. Le second avait plaidé coupable, il est prévu qu’il soit libéré au terme de sa peine le 19 décembre 2008.
Dix-sept condamnés (un en 2003, deux en 2004, trois en 2005, trois en 2006 et huit en 2007) doivent encore être transférés vers un pays ayant conclu un accord de ce type.
George Ruggiu, arrivé le 29 février en Italie, sera libéré au plus tard le 23 juillet 2009. Sa double nationalité, belgo-italienne, lui permettrait de pouvoir continuer de séjourner en Italie après sa libération ou en tout cas de ne pas être expulsé. Pour les autres condamnés libérés commencera un nouveau calvaire : trouver un pays d'accueil. Ainsi le second libéré du TPIR, Vincent Rutaganira est il retourné rapidement en maison sécurisée, faute d'avoir trouvé un pays susceptible de l'accueillir et de vouloir rentrer dans son pays. Le premier, Elizephan Ntakirutimana n'a pas eu cette peine, il est mort un mois après sa sortie sans que le tribunal n'ait pris la moindre mesure d'accompagnement, selon un témoin de son agonie.
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