Le tribunal spécial pour le Kosovo (KSC) a condamné mercredi deux anciens combattants à quatre ans et demi de prison pour intimidation de témoins, dans un premier verdict sur la guerre d'indépendance du Kosovo des années 1990 contre la Serbie.
Hysni Gucati et Nasim Haradinaj, respectivement chef et chef-adjoint d'une organisation d'anciens combattants de la guérilla indépendantiste albanaise, l'Armée de libération du Kosovo (UCK), ont été reconnus coupables d'avoir révélé des informations permettant d'identifier des centaines de témoins.
Les deux hommes, arrêtés en 2020, ont qualifié les témoins de traîtres, d'espions et de collaborateurs dans le but de les dissuader de coopérer avec le tribunal, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas.
"Ce jugement dépeint clairement ces actes pour ce qu'ils sont: criminels et non patriotiques", a déclaré le juge président Charles Smith pendant la lecture du verdict.
"Le message des accusés à ces témoins était : maintenant que tout le monde sait qui vous êtes, personne ne peut vous protéger", a ajouté le magistrat.
Les deux hommes, présents durant l'audience, ont également été condamnés à payer une amende de 100 euros chacun et le temps qu'ils ont déjà purgé en détention depuis leur arrestation sera déduit de la peine.
Tous deux avaient plaidé non coupables lors de l'ouverture du procès en octobre dernier.
Ils ont notamment été condamnés pour intimidation de témoins et violation du secret de la procédure. Ils étaient également accusés de "représailles" mais le tribunal les a innocentés de ce chef d'accusation.
Le tribunal spécial pour le Kosovo (KSC) est une instance de droit kosovar composée de juges internationaux et chargée d'enquêter sur des crimes commis par l'UCK pendant et après le conflit.
Créé en 2015, il siège aux Pays-Bas afin de protéger les témoins qui sont soumis à des pressions et des menaces.
Plusieurs anciens commandants de l'UCK font l'objet d'une enquête pour crimes de guerre commis pendant le conflit (1998-1999), qui a fait 13.000 morts et qui opposait, dans ce qui était à l'époque une province du Sud de la Serbie, la guérilla indépendantiste aux forces serbes.
L'ancien président du Kosovo et ancien chef politique de l'UCK, Hashim Thaçi - qui a démissionné en 2020 après son inculpation -, fait face à des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
- "Traîtres, espions, collaborateurs" -
Hysni Gucati et Nasim Haradinaj ont été condamnés pour avoir révélé des informations permettant d'identifier des témoins lors de trois conférences de presse entre le 7 et le 25 septembre 2020.
Ils avaient été arrêtés dans la foulée lors d'une opération lourdement armée au siège de l'association des anciens combattants à Pristina et transférés à La Haye pour être jugés devant le KSC.
L'association des anciens combattants a déclaré avoir reçu des dossiers confidentiels du tribunal, envoyés anonymement, qui comprenaient des informations sur les témoins protégés et les inculpations à venir.
M. Gucati et M. Haradinaj ont ensuite divulgué ces informations aux journalistes et accordé des interviews, des actes qui "ont eu lieu dans un climat d'intimidation de témoins", a déclaré le juge Charles Smith.
"Les accusés faisaient référence à des témoins et à des témoins potentiels en utilisant un langage désobligeant et menaçant, les qualifiant de traîtres, d'espions, de collaborateurs", a-t-il ajouté.
Le premier procès tenu par le KSC s'est ouvert en septembre, contre Salih Mustafa, un ancien chef de l'UCK, accusé de torture et de meurtre dans un centre de détention durant la guerre avec la Serbie.
De nombreux vétérans de l'UCK sont farouchement hostiles au travail du tribunal, défendant la légitimité de leur "guerre de libération" contre les forces serbes.