Au moins 164 civils ont été tués par le groupe Etat islamique à Kobané depuis le début jeudi d'une attaque surprise contre cette ville syrienne kurde frontalière de la Turquie, une ONG dénonçant l'un des "pires massacres" de l'EI en Syrie.
La situation restait très tendue vendredi à Kobané, où des jihadistes étaient retranchés dans des immeubles et utilisaient des civils comme boucliers humains, ont indiqué des militants et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Un correspondant de l'AFP du côté turc de la frontière pouvait entendre le bruit des tirs indiquant la poursuite des affrontements dans la ville.
"Il y aurait au moins 70 civils pris en otage", a précisé Mostafa Ali, un journaliste originaire de Kobané qui se trouve aux abords de la ville. Les combattants kurdes "encerclent les immeubles mais n'osent pas tirer pour ne pas mettre en péril la vie des civils", selon lui.
L'EI a lancé jeudi une attaque sur la ville où il avait subi en janvier son premier revers depuis le début de son expansion en Syrie. L'essentiel de ses combattants se trouvaient vendredi soir dans et autour d'une école du sud-ouest de la ville.
Le poste-frontière turc de Mursitpinar, près duquel les jihadistes ont perpétré jeudi trois attentats suicide, était toujours fermé, mais les autorités laissaient passer des blessés venus de Kobané.
L'attaque inattendue de l'EI est, selon des analystes, une "vengeance" et une "opération de diversion" de la part des jihadistes qui ont subi une série de défaites ces derniers jours face aux Unités de protection du peuple kurde (YPG) dans le nord de la Syrie.
En effet, après avoir pris aux jihadistes Tall Abyad, ville frontalière de la Turquie, les forces kurdes se trouvent à seulement 56 km au nord de Raqa, principal fief de l'EI en Syrie.
- 'Juste pour tuer' -
"Selon des sources médicales et des résidents dans la ville de Kobané, 120 civils ont été exécutés par l'EI dans leurs maisons, tués par les roquettes du groupe ou par ses tireurs embusqués" depuis jeudi, a indiqué Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH, qui a accusé le groupe jihadiste d'avoir perpétré l'un de ses "pires massacres" en Syrie.
L'OSDH a également indiqué que "18 corps de civils, tués par balles à courte distance, ont été retrouvés vendredi dans les rues de la ville". Des enfants figurent parmi les morts, le corps de l'un d'entre eux ayant été criblé de cinq balles.
En outre, 26 civils exécutés jeudi dans un village proche de Kobané, d'après l'OSDH, organisation basée en Grande-Bretagne et qui dispose d'un large réseau de sources en Syrie.
"Les jihadistes ne veulent pas contrôler la ville, ils viennent juste pour tuer le plus grand nombre de civils de la pire manière", a affirmé de son côté Mostafa Ali.
D'après l'OSDH, des centaines de civils ont quitté la ville depuis l'assaut de l'EI, un groupe accusé par l'ONU de crimes contre l'humanité.
Les YPG ont interdit aux habitants restés en ville de circuler en raison de la présence de nombreux tireurs embusqués de l'EI, selon M. Abdel Rahmane.
En janvier, avec l'aide des frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis, les YPG avaient chassé l'EI de cette ville frontalière de la Turquie, après quatre mois de combats.
- 60.000 déplacés à Hassaké -
Dans le nord-est et le sud du pays, le régime syrien était toujours en difficulté dans deux capitales provinciales.
A Hassaké, chef-lieu de la province éponyme frontalière de la Turquie et de l'Irak, au moins 20 membres des forces de sécurité ont été tués vendredi soir par un attentat suicide à la voiture piégée de l'EI, selon l'OSDH.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les jihadistes sont entrés pour la première fois dans cette ville et ont pris le contrôle de deux quartiers tenus jusqu'alors par le régime, qui partage le contrôle de la cité avec les forces kurdes.
L'offensive jihadiste a poussé 60.000 habitants de Hassaké à fuir leur foyer selon l'ONU. Vendredi, l'armée de l'air bombardait toujours les positions jihadistes.
Dans la ville méridionale de Deraa, berceau de la révolte de 2011 contre le président Bachar al-Assad, des groupes rebelles avaient lancé jeudi la bataille de "la tempête du sud" pour le contrôle de la totalité de la cité. Les combats ont fait jusqu'à présent une quarantaine de morts des deux bords.
Le pouvoir de Damas, qui enregistre une série de revers depuis trois mois, a déjà perdu deux capitales provinciales, Raqa (nord) et Idleb (nord-ouest).