Des touristes étrangers étaient évacués samedi par milliers de Tunisie au lendemain d'un attentat revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) contre un hôtel qui a fait près de 40 morts, en majorité des Britanniques mais aussi des Français.
Après l'attaque menée par un étudiant tunisien et condamnée à travers le monde, la pire de l'histoire récente de la Tunisie, le Premier ministre Habib Essid a assuré qu'environ 80 mosquées accusées d'"inciter au terrorisme" seraient fermées et annoncé le recours aux réservistes de l'armée pour renforcer la sécurité.
Se faisant passer pour un vacancier selon les autorités, l'étudiant qui avait caché son arme dans un parasol a ouvert le feu sur les clients sur la plage et au bord des piscines de l'hôtel Riu Imperial Marhaba à Port el Kantaoui près de Sousse, à 140 km au sud de Tunis. Il a été ensuite abattu.
L'attentat a eu lieu vendredi, le même jour qu'un autre revendiqué aussi par l'EI contre une mosquée chiite au Koweït (26 morts) et qu'une attaque avec décapitation d'un homme en France, à trois jours du 1er anniversaire du "califat" proclamé par le groupe jihadiste sur les territoires qu'il a conquis en Syrie et en Irak.
Au moins 38 personnes ont péri dans l'attaque près de Sousse, selon un dernier bilan provisoire officiel. Mais leurs nationalités n'ont pas encore été formellement établies, la plupart d'entre elles étant en tenue de plage au moment du carnage et n'ayant pas leurs papiers sur elles.
M. Essid a affirmé que parmi les morts, "il y a une majorité de Britanniques. Et des Allemands, et des Belges, et des Français".
Au moins cinq Britanniques, une Irlandaise et une Belge sont morts, selon les autorités des trois pays. Il y a eu 39 blessés, dont des Britanniques, des Belges, des Allemands et des Norvégiens.
- 'Chanceux de rentrer sain et sauf' -
Après le massacre qui a porté un nouveau coup au secteur vital du tourisme, les touristes étrangers ont été amenés en bus à l'aéroport d'Enfidha, entre Tunis et Sousse, en vue de leur évacuation. Le flot de départs des hôtels se poursuivait samedi.
Treize vols étaient affichés au départ de l'aéroport, notamment à destination de Londres, Manchester, Amsterdam, Bruxelles et Saint-Petersbourg.
"Nous avons peur, l'endroit n'est pas sûr", a confié à l'AFP un touriste évacué, originaire du Pays de Galles.
"Notre agence nous a conseillé de rentrer tout de suite en Belgique. C'était une obligation", a dit à l'AFP Aziz, un jeune touriste belge.
Selon le voyagiste belge Jetair, d'ici ce soir 2.000 clients en vacances en Tunisie auront été rapatriés en Belgique.
Le tour opérateur Thomson a annoncé l'envoi de dix avions en Tunisie pour rapatrier environ 2.500 touristes britanniques, ainsi que l'annulation de tous ses séjours la semaine prochaine dans ce pays.
Samedi matin, un policier en civil armé d'un pistolet mitrailleur montait la garde devant la plage de l'hôtel où étaient encore éparpillées quelques affaires personnelles: t-shirts, tongs, pince à cheveux.
Dans un autre hôtel de cette zone touristique, Courtny Morton, un Britannique de 73 ans bagage à la main, dit son soulagement de rentrer chez lui. "J'ai la chance de rentrer sain et sauf. Heureusement que mon séjour prend fin aujourd'hui", a-t-il dit à l'AFP, sans écarter de revenir un jour "si les choses se calment".
- Il visait les touristes -
L'auteur présumé de l'attentat se nomme Seifeddine Rezgui, un Tunisien né en 1992 et originaire de Gaafour (nord-ouest) mais étudiant à Kairouan (centre), selon le secrétaire d'Etat aux affaires sécuritaires Rafik Chelly. Il était inconnu des services de police et a agi seul "a priori".
"Il est entré habillé comme quelqu'un qui allait se baigner. Arrivé à la plage, il a utilisé son arme qui était cachée dans un parasol", a-t-il ajouté.
Selon un témoin tunisien, le tireur visait seulement les touristes. "Le terroriste nous a dit: 'Eloignez-vous, je ne suis pas venu pour vous'. Il ne nous a pas tiré dessus, il a commencé à tirer sur les touristes".
L'attaque est survenue trois mois après celle contre le musée du Bardo à Tunis (22 morts, dont 21 touristes), également revendiquée par l'EI.
Ce groupe ultradical sunnite, responsable d'atrocités et accusé de crimes contre l'Humanité, a revendiqué ces derniers mois des attentats en Libye, au Yémen, en Egypte et en Arabie saoudite, outre ses opérations en Irak et en Syrie, où il occupe de vastes régions.
Dans son communiqué revendiquant l'attaque, l'EI a affirmé qu'un "soldat du califat" avait "pu parvenir au but", en tuant "des sujets des Etats de l'alliance croisée", en référence à la coalition internationale bombardant ses positions en Irak et en Syrie.
La Tunisie, qui voit monter la menace jihadiste depuis sa révolution en 2011, disait craindre des attentats à l'approche de la saison touristique et avait annoncé des mesures sécuritaires accrues.
Vendredi, M. Essid a annoncé la mise en place à partir du 1er juillet d'un plan "exceptionnel" pour sécuriser davantage les sites touristiques avec le déploiement d'unités le long du littoral et à l'intérieur des hôtels.