Selon un document diffusé par le service de communication du tribunal sans que l'accusée ou son avocat n'en aient pris connaissance, le tribunal lui reproche d'avoir rendu public l'existence et le contenu de deux ordonnances confidentielles dans son livre « Paix et châtiment », publié en septembre dernier chez Flammarion. Il lui reproche également un article publié par le Bosnian Institute en janvier 2008.
Dans son livre, Florence Hartmann dénonçait les obstructions de la communauté internationale à l'arrestation de Radovan Karadzic. Elle y révélait également les pressions américaines pour forcer le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda à abandonner l'enquête sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana.
L'enquête pour outrage avait été ouverte en février 2008 et conduite par un enquêteur, indépendant du tribunal, désigné en qualité d'Amicus Curiae, tout comme le procureur qui sera en charge de cette affaire. Cette procédure s'explique par le fait que Florence Hartmann a travaillé pendant six ans pour le parquet du tribunal. Au terme de l'enquête, et dans le cadre d'une procédure assez inhabituelle, les juges ont ordonné au procureur, le 27 août, de mettre Florence Hartmann en accusation, en dictant au parquet les chefs d'inculpation ainsi que les faits qui doivent être retenus contre elle.
Les deux ordonnances confidentielles visées par les juges datent du 20 septembre 2005 et du 6 avril 2006. Ces décisions avaient été rendues dans le cadre de l'affaire Milosevic. Pendant des mois, le procureur avait demandé au gouvernement serbe de coopérer et de remettre au tribunal des pièces démontrant l'implication de Belgrade dans les crimes commis dans la république voisine de Bosnie-Herzégovine. La Serbie n'avait accepté de coopérer qu'en échange de la confidentialité, ce que le tribunal avait accepté, en première instance puis en appel. Les documents avaient été examinés à huis clos par la chambre au cours du procès.
Ces documents, qui selon plusieurs experts contenaient des preuves tangibles de l'implication de Belgrade, et donc de l'ex-président serbe Slobodan Milosevic, étaient l'objet d'un autre enjeu. Car dans le même temps, la Bosnie-Herzégovine poursuivait la Serbie pour génocide devant la Cour internationale de Justice (CIJ) qui est, elle, chargée de régler les différends entre Etats. Sarajevo avait été déboutée, faute notamment de preuves.
L'avocat de Florence Hartmann, le français Me William Bourdon, ancien secrétaire général de la fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), a jugé cette décision « ahurissante ». « Elle ne peut s'expliquer que par des considérations autres que juridiques » estime-t-il. « Poursuivre Mme Hartmann signifie que tous ceux qui légitimement, dans l'intérêt du public et de l'Histoire, souhaiteraient porter témoignage de leur action au service de la justice pénale internationale seraient baillonnés ». Les « imperfections du TPIY n'ont pas vocation à être passées sous silence », ajoute-t-il.
Prés d'une vingtaine d'affaires d'outrage à la Cour portant généralement sur la protection de témoins ont été engagées par le TPIY depuis 1993. Certains ont abouti à des condamnations. La plus lourde a jusqu'à présent été une amende de 20.000 euros. Les peines peuvent aller jusqu'à 7 ans de prison et 100.000 euros d'amende. Généralement, les poursuites pour outrage sont engagées lorsque des témoins sont mis en danger. Le TPIR a engagé des poursuites pour outrage dans deux cas contre un témoin accusé de faux témoignage qui a fait neuf mois de prison et contre un enquêteur accusé d'avoir incité à de faux témoignages. L'affaire, complexe, devrait être jugée à partir du 29 décembre prochain.
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