05.09.08 - TPIR/BUTARE - UN ACCUSE DU TPIR DENONCE LA LONGUEUR DE SON PROCES

Arusha, 5 septembre 2008 (FH) - Arsène Shalom Ntahobali, 38 ans, détenu depuis le 23 juillet 1997, assiste depuis plus de sept ans à son procès devant le Tribunal pénaml International pour le Rwanda (TPIR) et vient de demander à son avocat de mettre le tribunal devant ses responsabilités en raison de délais qui jusqu'à présent n'avaient jamais été égalés.

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Ces 668 jours d'audience font de ce procès le « plus long procès de l'histoire pénale moderne », a écrit le 22 août dernier Me Norman Marquis (Canada), dans une requête où il « rend le TPIR et ses Commettants, responsables ». Plutot que d'envisager une relative clémence voire une réduction de peine, il affirme que "seul l'arrêt des procédures contre lui représente une solution équitable à un procès qui ne l'est plus depuis longtemps et qui ne le sera désormais jamais plus, l'eut-il déjà été ».

Le 25 août dernier, selon la dernière liste établie par le tribunal, la durée moyenne des détentions avant jugement était de huit ans et vingt jours. Arsène Ntahobali, qui a vécu jusqu'à présent onze ans et un mois de détention préventive, considère que ce délai « excède, et de loin, toute conception de procès équitable tenu dans un délai raisonnable ».

La notion de délai raisonnable est un concept qui découle de celui de procès équitable. En effet, selon Me Marquis, un procès n'est équitable que s'il est tenu dans des délais raisonnables. Les deux notions sont reprises aux articles 19 et 20 du Statut du TPIR.

La Cour européenne des droits de l'Homme a dégagé un cadre d'évaluation de la durée de la procédure. Selon ce cadre, la procédure commence à la date « où les soupçons dont l'intéressé était l'objet ont des répercussions importantes sur sa situation ». Ainsi l'affaire Ntahobali a démarré avec son arrestation le 23 juillet 1997.

Le calcul du délai raisonnable à compter du début de la procédure peut « inclure les délais encourus jusqu'à la fin de l'appel » en tenant compte « des périodes de stagnation des juges et de la procédure » ont établi les instances européennes.

Me Marquis, après s'être livré à un calcul mathématique, affirme que le procès de Ntahobali, s'il avait été jugé seul et non avec six autres, n'aurait été que d'une « durée probable de 48 jours ».

Ntahobali considère que chacun des trois organes du TPIR tient une part de responsabilité dans l'écoulement de toute cette durée qui lui a causé préjudice notamment dans l'élaboration de sa défense.

Le Procureur n'a pas été long à répliquer : l'étude du respect du droit à un procès équitable « est un cas spécifique et limité aux circonstances flagrantes présentées par l'affaire » rappelle-t-il.

D'après lui c'est la complexité de l'affaire, et c'est le seul argument solide qu'il développera, qui justifie de telles longueurs de procédure.

Tandis que l'accusé rappelle que des poursuites ont déjà été abandonnées devant juridictions nationales en raison du dépassement des délais, le Procureur considère que les crimes poursuivis là-bas ne sont en aucun point « comparables avec ceux reprochés à Ntahobali». Les juridictions ne jugent pas, selon lui, des faits de même gravité.

C'est oublier, d'après la Défense qui rétorquera à la réponse déposée par le Procureur, le procès de Ntuyahaga en Belgique et d'autres par exemple au Canada. De plus, les affaires citées ont été considérées comme des arrêts de principe ce qui rend les critères « applicables à n'importe quelle catégorie de crimes ».

Devant les tribunaux internationaux, les circonstances dans lesquelles les accusés sont jugés ne sont pas non plus les mêmes souligne l'Accusation: l'accusé est souvent arrêté dans un pays étranger aux Tribunaux ad hoc ; les preuves et les témoins sont dispersés dans différents Etats ; les affaires nécessitent la coopération de nombres Etats ; et les preuves proviennent de plusieurs scènes de crimes. Bien que ces facteurs ne justifient pas la violation des droits de l'Homme, ils « affectent invariablement les circonstances de l'affaire».

Le Procureur reconnaît que le procès est long, mais le temps passé n'est pas « exorbitant ni déraisonnable, étant donné les circonstances de l'affaire» estime-t-il.

Il soumet enfin « que le défendeur Ntahobali n'a pas démontré qu'il souffrait d'un mal actuel et irréparable». Il conclu en affirmant que « les circonstances montrent que le défendeur Ntahobali a reçu un procès équitable».

Arsène Shalom Ntahobali s'insurge dans sa réponse au Procureur et lui reproche d'avoir dénaturé son argumentation en limitant ses arguments à des points très précis et en les isolants les uns des autres. Il souligne et surligne que c'est « l'accumulation des délais » qui est importante et le fait de « demeurer détenu n'est pas, lui non plus, sans importance ». « Qu'en est-il du préjudice subi par le Requérant du simple fait de sa détention durant toutes ces années ? » demande son avocat.

Devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, sur quatre affaires quasi similaires à celle de Ntahobali puisqu'elles ont mis en scène des co-accusés, des faits de génocide et de crimes de guerre, aucune n'a dépassé les trois ans et sept mois de procès, rappelle le défenseur.

Joseph Kanyabashi en mai 2000 et Pauline Nyiramasuhuko en février 2004 avaient déjà tenté de faire valoir leur droit de la même manière, tous deux ont été déboutés. Aucun des accusés du TPIR n'a bénéficié jusqu'à ce jour d'un seul jour de libération provisoire contrairement à de nombreuses autorisations accordée par le TPIY. Bien qu'il l'aient parfois demande les acquittés n'ont jamais recu la moindre indemnisation pour ces longs jours de prison.

Arsène Shalom Ntahobali a longtemps été « le seul accusé du TPIR à n'avoir occupé aucune fonction officielle au Rwanda en 1994 » souligne la requête. A part être le fils de Pauline Nyiramasuhuko, ministre du gouvernement jugée à ses cotés, il est accusé d'avoir tenu un barrage à Butare où de nombreux tutsis ont été tués et parfois violées. Le TPIR a été créé en 1994 pour juger les organisateurs du génocide. Devant cette Cour s'interroge son avocat «la notion de délai raisonnable existe-t-elle véritablement ? ».

AV/PB/GF

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