Huit témoins de la défense doivent comparaitre jusqu'à la fin du mois de septembre, a indiqué Richard Perras, un des avocats de la défense. Selon lui, les témoins "craignent énormément pour leur sécurité ». Sept viennent d'Afrique, le huitième réside en Amérique du Nord, a-t-il précisé.
Fils d'un commerçant aisé de Butare (sud du Rwanda), appartenant à l'ethnie hutu, Désiré Munyaneza est arrivé au Canada en 1997 avec un faux passeport camerounais. Il a été arrêté en 2005 puis accusé de crimes contre l'humanité, génocide, viols et pillages. Son procès s'est ouvert en mars 2007. Il risque la détention à perpetuité.
Les audiences devant la Cour Supérieure du Québec étaient suspendues depuis la mi-mars, afin que se tiennent deux commissions rogatoires en Afrique. À la demande de la défense, qui présente sa preuve depuis le mois de janvier, le tribunal canadien s'est déplacé du 14 avril au 2 mai au Rwanda, puis du 12 au 31 mai en Tanzanie. Sept témoins ont été entendus à Kigali et sept autres à Dar es Salam. Les retranscriptions des témoignages n'ont pas encore été rendues publiques.
Il s'agissait de la troisième commission rogatoire menée depuis le début du procès. Le tribunal s'était déjà déplacé en 2007 au Rwanda à la demande de la Couronne, qui mène l'accusation. Et en janvier dernier, trois témoins de la défense avaient témoigné à Paris. Les 1.400 pages de dépositions qui avaient alors été recueillies ont d'ailleurs été rendues publiques au cours de l'été.
Une femme, appelée DDM-6, a dit qu'aux heures les plus sombres du génocide, c'est dans la maison de Désiré Munyaneza qu'elle avait trouvé refuge. Deux témoins de l'accusation avaient dit auparavant qu'elles y avaient été séquestrées et violées. Mariée à un capitaine de la garde présidentielle, DDM-6 avait fui Kigali pour Butare. Selon elle, Munyaneza gérait le magasin familial et fréquentait sa petite amie. "Il nous disait: je ferai tout ce que je pourrai pour vous protéger", a-t-elle dit. C'est le premier témoin de la défense qui affirme avoir fréquenté l'accusé tout au long du génocide.
Les deux autres témoins entendus à Paris ont longement témoigné sur les atrocités commises par les miliciens Interahamwe. Selon l'accusation, l'accusé était l'un des meneurs de ces bandes armées. "J'étais à Butare. Je connais Désiré. Il n'a jamais trempé dans ces histoires", a affirmé DDM-7, une amie de la famille Munyaneza, qui connaît l'accusé depuis qu'il est né. Selon elle, l'accusé est victime de « la vengeance » de jaloux.
Le troisième témoin entendu à Paris est un ancien camarade de classe de Munyaneza. Avant le génocide, DDM-1 s'occupait d'un orphelinat en banlieue de Kigali. Très vite, il a dû transférer les 700 à 800 enfants dans une école de Butare, pour des raisons de sécurité. Plusieurs des miliciens, a-t-il raconté, ont franchi les portes de l'établissement scolaire pour s'emparer des Tutsis du groupe, ou les exécuter sur place. Mais jamais, a-t-il assuré, il n'a vu Désiré Munyaneza. Pas même le jour où une centaine d'Interahamwe a débarqué, arme aux poings.
Selon DDM-1 et DDM-7, la direction des miliciens revenait uniquement à Shalom Ntahobali, fils de Pauline Nyiramasuhuko, la ministre de la famille. Ils sont tous les deux jugés actuellement par la Tribunal pénal international pour le Rwanda.
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