Ministre des Transports et des Communications dans le gouvernement intérimaire en place lors du génocide de 1994, André Ntagerura a été acquitté des accusations de crimes contre l'humanité et de génocide qui étaient portées contre lui. Mais faute d'avoir obtenu l'asile dans un pays tiers, il vit depuis son acquittement dans une résidence sécurisée à Arusha. Pourtant, dans une demande de coopération datée du 26 avril 2004, le greffier du TPIR avait demandé officiellement au Canada d'accorder un tel statut au Rwandais.
« Un acquittement, confirmé par la cour d'appel, n'est pas complet tant que l'ancien accusé n'est pas libéré », écrit aux cinq juges de la cour d'appel du TPIR, qui siège à La Haye (Pays-Bas), Philippe Larochelle, l'avocat de M. Ntagerura. « Une telle détention de facto constitue une violation permanente des droits de M. Ntagerura et exige l'intervention de la chambre d'appel », poursuit-il.
Cette requête de 12 pages dont l'agence Hirondelle a obtenu copie a été transmise à la cour d'appel du TPIR le 18 septembre dernier, date limite fixée par le tribunal qui avait accepté une semaine plus tôt d'entendre l'appel. Me Larochelle y conteste les décisions rendues par le président du TPIR le 31 mars 2008, et par la troisième chambre du TPIR, le 15 mai 2008, dans lesquelles les magistrats avaient estimé que la « note verbale » émise par le greffier du TPIR n'était pas suffisante pour obliger le Canada à émettre un visa d'asile pour M. Ntagerura.
« Alors que la fin du mandat du TPIR approche, le sort des personnes acquittées risque d'entacher les réussites du Tribunal, écrit l'avocat. À la lumière de l'objet et du but de son mandat, délivrer une justice équitable, il est totalement raisonnable de recourir au mécanisme de l'article 28 des statuts pour obliger les États à coopérer à la pleine réalisation des acquittements. »
Pour toutes ces raisons, poursuit Me Larochelle, il est demandé à la cour d'appel du TPIR d'« ordonner au Canada de respecter les termes de la demande de coopération » et d' « ordonner au Canada d'accorder l'asile à André Ntagerura ».
Le greffier du TPIR a jusqu'au 26 septembre pour répondre à cette requête, à la suite de quoi la défense de l'ancien ministre aura encore quatre jours pour émettre une nouvelle réponse. C'est alors que le tribunal de La Haye rendra son verdict.
Si cette procédure aboutit et que le tribunal « force la main au Canada », ce serait un « moment historique de droit international », a dit à l'Agence Hirondelle Me Larochelle.
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