Les jihadistes du groupe État islamique (EI) ont réussi mardi à s'infiltrer dans la ville stratégique de Tall Abyad, à la frontière turque, poursuivant ailleurs leurs exactions avec la décapitation pour la première fois de deux femmes accusées de sorcellerie.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des combats faisaient rage dans cette localité qui fut, pendant plus d'un an, une place forte des jihadistes avant qu'ils en soient chassés il y a deux semaines par les combattants kurdes.
Les jihadistes ont pris mardi le contrôle d'un quartier de l'est de cette ville, selon l'OSDH et les Unités de protection du peuple kurde (YPG).
Le porte-parole du YPG, Redur Khalil, a expliqué que "plusieurs dizaines" de combattants de l'EI s'étaient "infiltrés" dans un secteur sous contrôle kurde.
"Les combattants kurdes cherchent à encercler les jihadistes et à les empêcher d'avancer", a précisé le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
Les YPG, épaulées par des rebelles syriens, avaient pu reprendre le 16 juin la ville avec le soutien de raids de la coalition internationale anti-jihadiste conduite par les États-Unis.
Les combats avaient poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir dans le chaos vers la Turquie, mais après la victoire kurde, beaucoup sont revenues chez elles.
La perte de Tall Abyad, qui était l'un des deux principaux points de passage empruntés par l'EI vers la Turquie, pour le transit des armes et des combattants, avait constitué le plus grand revers des jihadistes en Syrie.
- 'Sorcières' décapitées -
Dans la province de Deir Ezzor (est), contrôlée par les jihadistes, deux femmes, accusées de "sorcellerie et magie" par l'EI, ont été décapitées dimanche et lundi, avec leurs époux, devant une foule à Mayadine, selon l'OSDH.
C'est la "première fois" que l'EI exécute de cette manière deux femmes, d'après cette ONG, qui s'appuie sur un large réseau d'informateurs. L'EI avait déjà décapité deux combattantes kurdes mais après leur mort dans des affrontements.
Selon une vidéo que l'OSDH a pu se procurer, le bourreau masqué prononce une prière avant de décapiter d'un coup d'épée une des femmes et son mari, tous deux agenouillés.
Lors d'une perquisition dans la maison des suppliciées, les jihadistes auraient trouvé des amulettes, ce qui est considéré comme de la sorcellerie, punie de mort dans l'islam, selon M. Abdel Rahmane.
L'usage de ces fétiches est courant à la campagne notamment pour résoudre des problèmes de couple ou pour lutter contre le mauvais oeil, a affirmé un militant de Raqa (nord), Abou Ibrahim al-Raqqaoui.
- Non-respect du jeûne -
Toujours dans la province de Deir Ezzor, deux femmes ont été exécutées d'une balle dans la tête après avoir été accusées "d'espionner pour le régime", selon l'OSDH.
Dans la même province, l'EI a suspendu mardi à une croix 12 personnes, avec à côté l'inscription "non-respect du jeûne (du ramadan) sans justification religieuse", a indiqué l'OSDH.
Depuis le début, le 18 juin, de ce mois sacré, durant lequel les musulmans doivent s'abstenir de manger et de boire du lever au coucher du soleil, 20 personnes ont été punis de cette façon pour non-respect du jeûne.
Accusé de crimes contre l'Humanité par l'ONU, l'EI a procédé à de nombreuses décapitations d'hommes et à des exécutions massives, a lapidé des femmes soupçonnées d'adultère et infligé des morts atroces à des homosexuels.
Depuis la proclamation il y a un an de son "califat" sur les territoires syriens et irakiens sous son contrôle, l'EI a ainsi exécuté plus de 3.000 personnes en Syrie, dont 1.800 civils parmi lesquels 74 enfants, selon l'OSDH.
Ailleurs dans le pays, les barils d'explosifs largués par l'aviation du régime ont causé la mort mardi d'au moins 31 personnes à Douma, dans la province de Damas, et à Elhim, une localité de la province majoritairement rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest, selon l'OSDH.
Plus de 230.000 personnes sont mortes depuis le début il y a quatre ans du conflit en Syrie, où 50% du territoire est désormais sous le contrôle de l'EI.