Et si on parlait de la Gambie, ce petit pays d’Afrique de l’ouest, oublié depuis la transition réussie après 22 ans du règne sanguinaire et loufoque de Yahya Jammeh.
Mais, un peu plus d’un an après l’arrivée au pouvoir en janvier 2017 du Président Adama Barrow - démocratiquement élu en décembre 2017- les victimes sont déçues.
Elles se sentent oubliées et négligées, écrit notre envoyé spécial à Banjul, Maxime Domegni. Parmi ces victimes, la propre nièce de Yahya Jammeh. Aujourd’hui engagé à défendre la mémoire de son père et de sa tante, tous des Jammeh tués par leur propre frère Yahya. « À 27 ans, elle a choisi librement de porter une lourde responsabilité d’envergure nationale voire internationale sur ses épaules. Celle de réclamer justice pour ses propres parents mais aussi pour le millier de victimes déjà répertoriées par le Centre des victimes de violations des droits de l’Homme en Gambie dont elles est l’un des animateurs principaux », écrit Maxime Domegni.
Cela ne va pas difficultés pour la jeune femme notamment au sein de sa propre communauté ethnique, celle de l’ancien Président, les Jolas « qui se réfugient derrière un repli identitaire, voyant par exemple avec des yeux très suspicieux la mise en place de la « Commission Vérité » et aussi la campagne pour traduire les bourreaux de l’ancien régime devant les tribunaux ». Sur les circonstances du décès de son père, Ayesha n’en sait pas plus que les autres Gambiens qui, depuis la chute de l’ancien régime, sont désormais habitués à s’informer de certaines horreurs de ce dernier par voie de presse. Ayesha raconte : « Plus de dix ans après les faits, tu ouvres la radio un matin et écoutes un junguler (ndlr : milice de Jammeh) commencer par raconter comment ils ont tué ton papa. Et toi tu es assise quelque part en train d’écouter cela. Ton cœur se brise de nouveau ».
Dans une interview filmée à JusticeInfo.net, Marion Volkmann, une militante des droits de l’Homme venue de Human Rights Watch, responsable de la campagne #Jammeh2Justice, explique qu’il faut d’abord donner la parole aux victimes. « Il faut que les Gambiens racontent leur histoire », dit-elle. Elle souligne la nécessité d’une « volonté politique gambienne » pour que soient jugé l’ancien Président et ses complices. Marion Volkmann se dit « optimiste » et pense que Yahya Jammeh sera un jour traduit en justice, comme le fut Hissene Habré.
Autre transition difficile, le Mali comme l’explique Serge Michailof de notre partenaire The Conversation. Selon le chercheur, « l’armée malienne est en manifestement toujours incapable de contenir la propagation de l’insécurité ». Parce que “ dans les pays dits fragiles comme le Mali, la plupart des institutions sont la proie de réseaux clientélistes qui sont une grave source d’inefficacité”. “Il faut reconstruire non seulement de l’armée malienne mais de tout le système de sécurité du pays ce qui exige ainsi une forte volonté politique pour sacrifier le clientélisme au souci de l’efficacité”, explique t il.
Constat similaire en République Centrafricaine du spécialiste Didier Niewiadowski, qui dit redouter une partition du pays à la manière des deux Soudan. “En Centrafrique, au fil des ans, l'État est devenu de plus en plus fictif surtout dans les régions orientales, contiguës du Soudan, du Soudan du sud et de la RDC, pays également en crise”, écrit-il, ajoutant : “La fracture entre l'est centrafricain, plutôt arabophone et musulman, peuplé d'ethnies nilotiques, avec l'ouest, plutôt francophone et animiste-chrétien, peuplé de Bantous s'élargit avec les exactions des activistes de toutes origines”. Et de conclure : “L'année 2018 constituera une année décisive pour l'avenir de l'État centrafricain dont le naufrage ne serait pas sans conséquence pour les deux Congo, le Cameroun et le Tchad.”